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Le 7 octobre 2019, l’Assemblée nationale débattait d’immigration. Jean-Luc Mélenchon a pris la parole pour défendre la vision de la France insoumise sur le sujet. Il a plaidé pour régler les causes du départ des migrants et leur permettre de «vivre et travailler au pays». Il a expliqué qu’il fallait traiter les vrais problèmes auxquels l’humanité est confrontée, à commencer par le défi du changement climatique. Il a, enfin, parlé des apports de l’immigration pour notre pays et défendu une conception républicaine de la nation, appelant à «Faire France de tout bois».

Voici la retranscription complète de son intervention (seul le prononcé fait foi) :

Discours sur l’immigration de Jean-Luc Mélenchon – Assemblée nationale – 7 octobre 2019

Président, ministres, collègues, après l’heure de parole du gouvernement, je n’ai que dix minutes de temps de parole. Je serai donc très direct. On a bien vu aujourd’hui que vous avez changé de ton par rapport à ce que vous disiez il y a quelques jours. Peut-être vous êtes-vous vous même effrayés des conséquences de ce que vous avez déclenché. Pourquoi attiser cette braise là ?

Vous décidez délibérément d’injecter une dose de poison, de méfiance et de discorde dans les veines du pays. Comment osez- vous dire qu’aborder ce sujet, ce serait lever un prétendu « tabou », en finir avec un « déni » de la réalité comme l’a déclaré le président Macron ?

Comment osez-vous dire que notre pays a été privé de discussion sur le sujet ! La famille Le Pen en fait son programme électoral depuis 40 ans ! Et ça fait quarante ans que les mêmes arguments sont sur la table ! 40 ans que l’on fait les mêmes répliques. Quarante ans que le peuple français fait ses choix électoraux en connaissance de cause ! Et le Parlement ? Il en parle à la moyenne d’un texte par an. Et depuis le début du quinquennat c’est la troisième fois que le sujet de l’immigration vient devant l’Assemblée. Autant de bavardages ! Où est le bilan de ce travail législatif ? Vous ne nous avez rien dit. Qu’est-ce qui a été utile, qu’est-ce qui n’a servi a rien ? Personne ne le saura. Ce qu’on peut dire avec certitude c’est que le résultat est toujours mauvais puisque vous jugez nécessaire d’y revenir sans cesse. Si vous étiez si mauvais hier pourquoi seriez vous meilleur aujourd’hui ?

En réalité nous sommes convoqués pour fournir le décor d’une nouvelle opération de propagande dans votre campagne électorale permanente.

Comme vous avez échoué à faire rêver d’être milliardaire, comme en traversant la rue on ne trouve pas de boulot, et comme les grands débats à répétition saoulent, vous remettez en circulation le grand lien social de notre époque, le moment de buzz permanent : la peur et la méfiance. La peur de tout, de tout le monde et surtout de ce qui est différent et imprévu.

Vous avez choisi de faire, de nouveau, de l’immigré la figure du bouc-émissaire des problèmes du pays. L’immigré plutôt que le financier qui pille notre pays, l’immigré plutôt que fraudeur du fisc qui vole chaque année 80 à 100 milliards au pays. L’immigré plutôt que les corrompus qui ont bradé l’industrie du pays à l’étranger.

Oui parce que quand les riches et les puissants fuient l’impôt, ils le font en comparant les régimes fiscaux pour profiter de notre pays sans prendre leur part d’effort à son existence. Alors ils se figurent que les pauvres en font autant en comparant les régimes sociaux. Avec vous, les étrangers sont adulés s’ils viennent faire des affaires ; ils sont montrés du doigt s’ils viennent en produire par leur travail. Le pays mérite mieux.

Vous égarez le pays dans une direction absurde. Il faut traiter les causes des problèmes qui se posent. Pas se venger d’eux sur ses victimes. L’immigration est un phénomène en voie d’expansion dans le monde. D’abord du fait des ravages des politiques libérales qui dévastent les économies de tant de pays. Et notamment du fait de l’Europe qui a soumis 32 pays africains à des accords de partenariat économique ruineux pour eux.

Ensuite du fait des guerres que ces violences économiques déclenchent. Enfin, désormais, du fait du changement climatique qui va mettre près d’un milliard de personnes sur les routes de la fuite. Pour l’instant seuls 17 % des migrants viennent vers l’Europe. Tout le reste se dilue dans l’espace des pays du sud. C’est le moment de mettre au point les politiques qui inversent le phénomène. La question la plus urgente est que les gens puissent rester chez eux. Car ils ne partent pas plaisir. Ils partent contraints et forcés faute d’avenir désirable sur place. Et vous, M. Edouard Philippe, comme moi, si vous étiez à leur place vous en feriez autant pour vous et pour vos enfants. C’est ce qu’on fait cinq cent mille grecs et quatre cent mille espagnols devant la ruine de leur pays.

Vous tournez le dos à ce défi lancé à la civilisation humaine dans son ensemble : les gens doivent pouvoir rester chez eux. « Vivre et travailler au pays » disait-on il y a trente ans de cela quand on refusait les migrations entre régions françaises. Il faut relocaliser les productions. Il faut avoir un bon usage des frontières. Les marchandises et les capitaux doivent circuler moins librement pour que les gens ne soient pas forcés d’entrer dans leur danse. Quel genre de mur allez vous inventer pour vous prémunir du désir de chaque être humain d’améliorer son existence ? Vous avez jeté de grosses larmes au pied du mur de Berlin. Il est tombé ! Mais depuis Il en a été construit 75 autres sur 40 000 kilomètres de long autant que la circonférence terrestre. Tout cela ne mène nulle part. Répondre à un défi nécessite d’abord un bon diagnostic et non un collage de fantasmes et bricolages de technocrates.

Les immigrés sont les victimes d’un ordre économique et géopolitique. Vous les montrez du doigt. Le dommage est plus étendu qu’il n’y parait. Un ancêtre sur quatre de chacun d’entre nous vient de leur rang. Quand on stigmatise le nouvel arrivant on stigmatise en même temps les millions d’entre nous qui sommes leurs enfants d’hier et qui sommes fiers d’eux. Le président de la République a osé dire que les milieux populaires n’avaient pas la chance qu’auraient les bourgeois de ne pas fréquenter les étrangers. C’est son vocabulaire, pas le mien. Mais les bourgeois fréquentent aussi les étrangers. Mais ce ne sont pas les mêmes. Ils ne s’en rendent pas compte parce qu’ils appartiennent à la même classe sociale. Quant aux milieux populaires, ils ont été parqués de force aux mêmes endroits. Vous voulez mieux mélanger les populations ? On y sera favorable ! Mais dans l’intervalle pourquoi stigmatiser ceux qui s’y trouvent ? Que savez-vous des milliers d’entre eux qui en viennent et qui sont aussi l’orgueil des réussites de la patrie ? Regardez les bancs de cette Assemblée et vous verrez comment la France se fabrique.

Et quand bien même ! Vos enfants sont ils prêts à se lever le matin à cinq heures pour aller nettoyer les bureaux, prêts à aller respirer l’asphalte à verser sur les routes, à garder les gosses des autres à domicile ? Pensez de temps à autre à dire merci, quel que soit le statut des personnes.

Imaginez ce cauchemar : un matin les immigrés partent tous, fatigués d’être maltraités comme ils le sont !

La Sécurité Sociale serait instantanément ruinée faute de cotisants en nombre suffisant, l’économie s’effondrerait par anémie de la consommation populaire et parce qu’il lui manquerait des centaines de milliers de bras et de têtes qui la font tourner.

Et la France ! Que devient alors la France ? Il faut aimer la France. Il faut savoir qui elle est pour comprendre tout ce qu’elle peut faire. Avec le droit du sol, le peuple français peut faire France de tout bois. Nous sommes une nation républicaine c’est-à-dire que notre devise peut s’appliquer à tout être humain quelle que soit sa culture ou son ethnie de départ. Nous sommes donc une nation universaliste. Ou bien nous ne sommes plus la France. La réponse aux problèmes que soulève inévitablement toute immigration grande ou petite tient en peu de mots : nous n’avons pas besoin de nouveaux camps de rétention ni de nouvelles règles et de lois. Nous avons besoin de davantage de professeur des écoles, davantage de formation professionnelle, davantage de logements de qualité, davantage de travail à se répartir. Nous avons besoin de milliers de bras et de têtes au travail bien préparées pour réaliser la transition écologique de l’agriculture et l’industrie. Et pour affronter les conséquences du changement climatique désormais engagé ! Il faut du travail de plus pour équilibrer les comptes sociaux et les retraites.

Au lieu de quoi le président de la République vient nous parler d’économie sur l’aide médicale d’Etat ! Vous picorez sur les bords pour à la fin reprendre dans l’assiette ce que vous avez donné aux gens.

Car tout le monde sait, comme nous, combien les microbes ignorent tout de la situation administrative de ceux qui les portent. Refuser de soigner un malade est un comportement humainement inacceptable et comptablement absurde. Si on ne soigne pas les gens au départ des maladies, non seulement ils contaminent les autres mais ils arrivent ensuite à l’hôpital quand leur état s’aggrave ! Et alors leurs soins coûtent 50% plus chers. Mieux vaudrait faire des économies ailleurs. Par exemple en récupérant l’argent fraude sociale des entreprises qui coûte entre 7 et 9 milliards d’euros à la Sécurité Sociale.

Intéressez-vous plutôt au travail détaché qui oblige des centaines de milliers de personnes à une vie d’esclavage. Le travail détaché qui engendre des milliers d’emplois perdus pour ceux qui vivent ici !

Ce débat ne se conclue par aucun vote ni aucune proposition. Il ouvre parait-il une séquence publique pour tout le pays.
La France mérite mieux.

Attention aux apprentis sorciers qui menacent de briser la matrice qui produit la France en tapant sur le clou de l’immigration.

J’appelle les millions de bi-nationaux et les enfants de ces longues et belles histoires de vie commencée ailleurs, ceux de la première ou deuxième génération à s’exprimer pour dire qu’ils en on assez d’être traités comme de la chair à canon électorale. La France est notre patrie républicaine commune. Elle est le lieu de notre avenir en commun. Elle est a tous ceux qui la font vivre et qui l’aiment.

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