Il a fallu 1 800 ans pour passer de 250 millions à un milliard d’humains au début du XIXe siècle. Depuis, deux siècles ont suffi pour faire grimper ce chiffre à 7,6 milliards. En attendant le pic des 11 milliards et quelques prévu par les démographes à la fin de ce siècle… Dans le passionnant The Human Tide: How Population Shaped the Modern World (Public Affairs, hélas toujours pas traduit), Paul Morland, chercheur au Birkbeck College à Londres, raconte la spectaculaire mais méconnue histoire de cette transition démographique. Il explique comment la démographique, plus encore que l’économie ou les idéologies, a marqué l’évolution des nations et façonné notre monde. Aujourd’hui, les naissances et l’immigration restent plus que jamais un enjeu majeur. Entretien.
Le Point : Pourquoi avoir voulu, dans The Human Tide, raconter l’histoire du monde depuis le début du XIXe siècle en prenant pour angle la démographie ?
Paul Morland : D’abord, j’ai grandi dans une banlieue londonienne, Wembley. C’est sans doute la première zone dans mon pays à avoir connu un changement ethnique. J’ai pris conscience que les migrations, la fécondité et la mortalité jouent un rôle majeur. Puis j’ai fait ma thèse sur la démographie et les conflits ethniques. J’ai réalisé qu’il n’y avait pas de livre grand public sur l’histoire de la transition démographique, qui a débuté au Royaume-Uni avant de devenir mondiale.
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En attendant, vous prévenez que ce décalage temporel de transitions démographiques va créer des sérieuses tensions migratoires et ethniques…
Je partage le point de vue de Stephen Smith ou d’Eric Kaufmann. Nous pensons que l’immigration est une question de choix, qui n’est pas aidé par l’hystérie à gauche qui crie au racisme, comme par le discours « grand remplaciste » à droite. Les pays européens ont la possibilité de contrôler l’immigration. Prenez Singapour. Vous avez une petite île entourée de populations bien plus pauvres. Ils ont de l’immigration, mais ils la contrôlent. C’est un choix politique, mais pour cela, il faut un débat honnête, et ne pas parler de racisme dès qu’on évoque l’immigration. Et ensuite, il faut appliquer ces décisions. Si vous voulez préserver une majorité ethnique, vous le pouvez. (…) Je suis ainsi énervé par le discours à gauche qui dit que nous devrions avoir une immigration illimitée ou que celle-ci est inévitable, mais je suis aussi énervé par le discours à droite qui reprend les thèses de Renaud Camus et son grand remplacement.