Totem ou tabou hexagonal, l’AME bénéficie chaque année à 320.000 personnes en situation irrégulière. Elle est au cœur des discussions parlementaires, dans le cadre de la loi sur l’immigration. Derrière la volonté de solidarité, un système largement dévoyé qui autorise tous les abus.
Dans son bureau exigu de l’hôpital public, ce grand chirurgien a l’air abattu: « Je ne veux plus qu’on m’agresse ni qu’on me menace. Cela fait trente-six ans que je sers à l’hôpital. Je ne pensais pas me retrouver un jour aussi las », chuchote-t-il, l’administration ayant refusé qu’il se confie officiellement à un journaliste. Tout au long de cet entretien, les anecdotes fusent: « On a reçu un jour un malade nigérian de 30 ans souffrant d’un cancer, raconte-t-il. Il venait d’arriver en France, sans papiers, et presque aussitôt aux urgences à Paris dans l’espoir d’être sauvé. Dès les premiers examens, nous avons diagnostiqué qu’il n’avait une espérance de vie que de quelques mois, qu’il était inopérable et incurable. Le collège des médecins de l’hôpital qui étudie chaque dossier s’est réuni: nous lui avons proposé de rentrer chez lui, pour mourir dans la dignité au milieu des siens. Le malade s’est alors énervé, a menacé d’appeler un ami avocat qui connaissait un journaliste à Libération et au Canard enchaîné. Bref, mon administration, qui craint le scandale, a décidé de céder au chantage. Il est resté deux semaines, sans verser un centime. À 1317 € la journée, faites le calcul. Et puis l’hôpital a ensuite payé son transfert vers un hôtel médicalisé qui ne coûtait que 3000 € par mois, en payant l’ardoise jusqu’à la fin. »
Dès qu’il est question d’aide médicale d’Etat (AME), les langues se délient mais le volume baisse. (…) Le Figaro