Inauguré il y a trois ans à Paris et conçu par l’artiste Kader Attia, ce lieu qui questionne l’héritage colonial a su fédérer différents publics.
Le père de l’artiste faisait partie des manifestants algériens qui, en 1961, ont eu à affronter les matraques, la barbarie des policiers français qui les noyèrent dans la Seine et le sang parce qu’ils réclamaient la libération de leur pays. En trois ans, le lieu, baptisé La Colonie et agencé dès le début comme une sorte de bar agora, est devenu le quartier général de l’intelligentsia « décoloniale ».
Kader Attia, lauréat du prix Marcel-Duchamp 2016, a beaucoup questionné à travers son art les mémoires empêchées, biffées. « Le XXIe siècle sera le siècle de la réparation, pense-t-il. Les fantômes des amputés, des femmes, des colonisés, des esclaves, ressortent et réclament leurs droits. Tous les mutilés de l’histoire demandent réparation. Aujourd’hui, la première chose à faire est de pouvoir se retrouver ensemble, descendants de victimes et de bourreaux et parler. Nous interroger : qui sommes-nous ? »
(…) Il y a aussi été question de féminisme, de genre, de mouvement queer, du génocide des Tutsi, de l’eurocentrisme et de la résurgence du fascisme.
(…) La grande force de La Colonie est d’avoir su fédérer différents publics, parisiens bobos, universitaires, banlieusards, de tous âges et de différents milieux sociaux, séduits par cette manière non académique et non verticale de distribuer du savoir. La jauge des deux cents personnes est régulièrement atteinte.