Une victoire de Marine Le Pen à l’élection de 2022 n’est pas probable mais possible. Elle ne constitue pas le scénario le plus vraisemblable mais une hypothèse imaginable si les passions s’enflamment ou si les circonstances y poussent. Analyse d’Alain Duhamel.
Malgré ses limites personnelles cruellement exhibées durant le débat télévisé qui l’a opposée à Emmanuel Macron, elle a rassemblé 33 % des suffrages au second tour. Depuis, aux élections européennes, son parti a atteint la première place. Le courant populiste qui traverse toute l’Europe la porte. Elle peut d’ores et déjà être regardée en challenger naturelle de Macron. […] Ses rivaux au sein de l’opposition font pâle figure à côté d’elle. […]
Le fameux «plafond de verre», pourtant rehaussé à chaque élection et aujourd’hui passablement fissuré, n’aurait donc pas disparu. Encore faut-il que 2022 s’inscrive dans une phase classique. Telle n’est actuellement pas la situation. L’interminable conflit des gilets jaunes a souligné le mécontentement profond et le ressentiment belliqueux qui traversent la société française.
L’ampleur insolite de la grève de la RATP le mois dernier, l’inflation inopinée des «droits de retrait» à la SNCF, la colère des urgences hospitalières, celle des agriculteurs, la passion des écologistes, les polémiques qui dérapent à propos du voile islamique ne vont pas dans le sens d’une société équilibrée. La France de 2019 n’est ni satisfaite, ni patiente, ni tolérante. Elle n’est pas heureuse. Que surgissent une crise brutale de l’immigration comme en 2015, une série d’attentats durant la campagne de 2022, ou que les plaies d’un grand conflit social – à propos par exemple de la réforme des retraites – ne soient pas refermées et tout peut arriver. […]