Philippe Portier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études et titulaire de la chaire d’histoire et de sociologie des laïcités revient sur la rencontre ce lundi entre Emmanuel Macron et des représentants du Conseil français du culte musulman (CFCM) alors que la question du port du voile revient dans le débat public.
Dans un sondage de l’Ifop pour le Journal du Dimanche, 78 % des personnes interrogées pensent que la laïcité est menacée et 61 % estiment que « l’islam est incompatible avec les valeurs de la société française ». Cette inquiétude est-elle simplement conjoncturelle ?
Certains diraient que ce type de sondages mériterait d’être critiqué pour la manière dont les questions sont posées par exemple. De quel islam s’agit-il ? Que mettent-ils derrière les « valeurs de la société française » ? On pourrait aussi opposer à cette enquête d’autres sondages, comme celui de Viavoice, par exemple, aux résultats différents. Mais au-delà des critiques méthodologiques, on peut lire une sorte de crispation sur l’islam, que l’on ne retrouvait pas dans les sondages des années 1990. […]
Emmanuel Macron incite donc le CFCM à s’auto-réformer, un peu sur le modèle de Nicolas Sarkozy lors de la création de cette association en 2003.
N’est-ce pas un aveu d’échec ?
Lors des IIIe et IVe Républiques, on avait un Etat fort, qui n’avait pas besoin de corps intermédiaires pour s’imposer. Aujourd’hui, dans la société individualisée, éclatée, et globalisée, l’Etat a du mal à s’organiser et fait feu de tout bois pour trouver des alliés. Tout pouvoir a besoin d’un interlocuteur, pour dialoguer avec une population qu’il maîtrise mal dans sa diversité. Cet appel d’Emmanuel Macron correspond à un impératif gestionnaire mais il y a une difficulté, car sur le plan juridique, il n’a pas les outils.