Hourya Bentouhami, maîtresse de conférences en philosophie politique à l’université de Toulouse Jean-Jaurès, explique l’obsession française sur le voile.
Cette année, c’est l’humiliation d’une mère voilée par un élu du Rassemblement national qui a lancé l’énième polémique. […]
Comment expliquer une telle fixation ?
En partie du fait d’une certaine acception de la laïcité. La laïcité à la française s’attache surtout aux apparences, considérant que l’attachement à la laïcité et plus largement la loyauté aux lois de la République devraient se lire immédiatement dans la désaffiliation et le désaveu de sa religion. En vérité, c’est la religion musulmane qui est présumée incompatible avec la République. A ce titre, l’exigence de dévoilement jusque dans les espaces de la vie quotidienne n’est qu’un prétexte à l’expression d’un racisme qui fait ciment social, à une période où précisément l’inquiétude première des Français concerne davantage le réchauffement climatique, les retraites, les hôpitaux, et la possibilité de conduire une vie digne. […]
Pourquoi les autres signes religieux n’ont-ils pas cet impact médiatique dans la société ?
Parce que c’est l’islam qui est considéré comme un problème. Il est souvent avancé de fait que ce serait la peur de l’islam dit « radical » et plus encore, du terrorisme, qui expliquerait ce soupçon généralisé vis-à-vis des musulmans. Mais lorsqu’une musulmane comme Latifa Ibn Ziaten – mère de la première victime de Merah – fait un travail de prévention du terrorisme dans les écoles, les parlementaires poussent des cris d’orfraie et exigent son dévoilement avant toute apparition publique. […] Ces traques et cette volonté de faire disparaître tout signe d’expression de la foi musulmane dans l’espace public risquent d’alimenter précisément ce que l’on veut combattre, c’est-à-dire le terrorisme.