Fdesouche

Déjà sur la sellette pour le manque d’efficacité des dispositifs mis en place pour lutter contre le harcèlement et les agressions sexuels, les universités britanniques se voient également mises en cause pour leur gestion des dizaines de milliers d’incidents racistes qui se produisent chaque année sur leurs campus.

Selon un rapport de la Commission pour l’égalité et les droits humains (Equality and Human Rights Commission, EHRC), un quart des étudiants appartenant à une minorité ethnique auraient été victimes de comportements racistes depuis le début de leurs études au Royaume-Uni. Parmi les étudiants noirs, 29 % se sont déclarés victimes d’agressions ou de discriminations à caractère raciste, suivis par 27 % des étudiants d’origine asiatique. Plus de la moitié d’entre eux ont essuyé des insultes racistes de la part d’autres étudiants ou d’enseignants, et un sur cinq déclare avoir été victime d’une agression physique.

Alors que 50 % des établissements estiment avoir connaissance de la totalité des incidents racistes survenus sur leur campus, le rapport de la commission montre que seul un tiers des incidents font en réalité l’objet d’un signalement de la part des victimes.

Selon Rebecca Hilsenrath, directrice générale de la commission, non seulement les universités sous-estiment les discriminations subies par des dizaines de milliers d’étudiants, mais en outre certains établissements persistent à ignorer totalement le problème :

Nous attendons des universités qu’elles soient des environnements novateurs qui fassent plus que nous apprendre à réussir des examens. Nous comptons sur elles pour nous aider à progresser en tant qu’individus et nous préparer à être de bons citoyens. Il est extrêmement décevant de découvrir qu’au lieu de se montrer progressistes et avant-gardistes, elles vivent dans le passé et qu’elles n’ont pas su tirer les leçons de l’Histoire.

Les réactions au rapport de l’EHRC n’ont pas manqué. Julia Buckingham, présidente d’Universities UK, l’organisation qui regroupe 136 universités britanniques, a qualifié les conclusions de l’enquête de “tristes et choquantes” et appelé les responsables universitaires à s’engager publiquement à lutter contre le racisme.

Le rapport de l’EHRC a été vivement critiqué à la fois par des universitaires et par des organisations étudiantes pour avoir pris en considération un petit nombre d’exemples de comportements antianglais dans les universités écossaises et galloises. “En associant la xénophobie et les sentiments antianglais au racisme auquel sont confrontés étudiants et universitaires de couleur, l’EHRC a rendu un mauvais service aux travaux en cours sur l’équité raciale au Royaume-Uni. Le racisme est quelque chose de fondamentalement différent des expériences négatives vécues par les étudiants blancs”, a notamment réagi Fope Olaleye, responsable du syndicat étudiant National Union of Students (NUS).

Kehinde Andrews, professeur d’études noires à l’université de Birmingham, a livré son témoignage dans une tribune publiée par The Guardian : “Depuis vingt ans que je fréquente les universités, j’ai été victime de multiples comportements racistes en tant qu’étudiant ou membre du personnel enseignant. Je n’ai jamais signalé aucun de ces incidents parce que je ne savais pas comment m’y prendre. Et même si j’avais pu le faire, j’aurais pensé que les autorités universitaires ne prendraient pas mon témoignage au sérieux.

Kehinde Andrews pointe un “racisme institutionnel”, regrettant que le rapport de l’EHRC n’établisse aucun lien entre les incidents individuels et “une foule d’autres symptômes du racisme” qui sévit dans les universités britanniques, notamment les écarts dans les taux de réussite, le nombre d’abandons plus élevés chez les étudiants noirs, les différences de rémunération en raison de l’appartenance ethnique ou le petit nombre des enseignants noirs.

Ilyas Nagdee, ancien porte-parole des étudiants noirs au sein de la NUS, met en cause pour sa part la marchandisation de l’enseignement supérieur “qui conduit les universités à se concentrer moins sur l’enseignement et l’apprentissage que sur la protection de leur réputation”, de peur de quitter la tête des classements et de perdre des inscriptions. “Les universités craignent qu’évoquer ouvertement le problème du racisme ne dissuade des candidats potentiels”. Mais pour les étudiants de couleur “le racisme est une constante, explique-t-il : il fait partie de leur ‘expérience étudiante‘ de la première année d’études jusqu’à la recherche d’un emploi”.

De son côté, le Times Higher Education relève que, selon les résultats de l’enquête, les plaintes de membres du personnel ont encore moins de chances d’être prises en compte que celles des étudiants. “Quand des universitaires membres de minorités ethniques signalent des comportements racistes, les responsables les interprètent comme des conflits de personnes et ne les prennent pas au sérieux.

The Times & The Guardian

Fdesouche sur les réseaux sociaux