L’islamologue Rachid Benzine et le prêtre Christian Delorme estiment que la marche contre l’islamophobie doit être l’occasion d’une prise de conscience des souffrances des musulmans de France, sans pour autant céder au discours victimaire.
Souffrances. C’est le mot, au pluriel, qui convient sans doute le mieux pour exprimer ce qui se passe dans notre société autour de l’islam. Souffrance des musulmans qui n’en peuvent plus d’entendre parler de leur religion sur le mode de la dénonciation et du dénigrement, et dont beaucoup ont connu personnellement des faits de discrimination (près de la moitié selon l’enquête récemment conduite à la demande de la Fondation Jean-Jaurès). Mais souffrance, également, d’une large part de la population non musulmane, que l’actualité violente de nombreux pays islamiques inquiète beaucoup avec ses prolongements terroristes, et qui vit très mal le déploiement dans l’espace public d’un islam très ostentatoire, qui change son environnement humain et vient réintroduire de l’influence religieuse dans une société qui croyait s’être définitivement libérée des diktats religieux.
Pathologies. Ce pourrait être l’autre terme approprié pour désigner ce que nous vivons. Notre société est, par bien des aspects, malade de l’islam… et l’islam se présente également comme un « grand corps malade » ! Tout cela, en fait, vient de loin. La peur, mêlée de haine, à l’égard de l’islam est partiellement un héritage de notre histoire coloniale et de la guerre d’Algérie. Mais le « réveil » du monde musulman sur la scène mondiale depuis la révolution islamique de 1979, et tout ce qui a suivi jusqu’à l’émergence d’Al-Qaida et de l’organisation Etat islamique, ont généré et génèrent une véritable anxiété dans la société. Une « islamo-anxiété » qui n’est pas, au départ, pleine de haine ou de mépris, mais qui peut le devenir. […]