Rencontre à l’accueil de jour Emmaüs Solidarité, où des dizaines de familles cherchent un peu de répit avant de retourner dormir dehors. […] «Le temps moyen passé à la rue est aujourd’hui de six mois », précise Samia Abdi.[…] Comment de temps cela durera-t-il pour Rachel ? Rencontrée à l’accueil de jour, la jeune femme a quitté le Cameroun, en 2017, pour travailler au Gabon, avant que la situation économique ne se détériore aussi dans ce pays. Elle est arrivée en France en septembre 2018, par avion. Et a d’abord trouvé un travail dans un restaurant et loué, pour 150 € par mois, un coin de canapé chez une « grand-mère africaine ». Puis Rachel est tombée enceinte et a arrêté de travailler.
Depuis son accouchement, en septembre, elle dort, avec d’autres jeunes accouchées, dans une salle de la maternité Saint-Joseph. Aujourd’hui, sa petite Serena Williams a 10 semaines et elle sait que cette solution ne durera pas. Alors, elle aussi fait le siège du 115. On vient lui de proposer deux nuits au « Lima 5 », un « lieu de mise à l’abri » dans le 5e arrondissement, mais elle a refusé. « Si j’accepte, je suis hébergée deux soirs, mais après je ne pourrai pas retourner à l’hôpital. »
[…] Madssadgé, elle, a fui des violences en Côte d’Ivoire dont son corps porte encore les stigmates. Elle a traversé le Mali, l’Algérie, puis la Libye. Son fils, qui a maintenant 2 ans, a été conçu pendant ce chemin d’exil. Cela n’a pas suffi, semble-t-il, pour lui accorder l’asile. Déboutée, elle a dû quitter le Centre de demandeurs d’asile (Cada) où elle logeait, puis la maison d’une copine, qui l’a hébergée un temps. Puis, enfin une salle dans l’hôpital Necker, où elle avait trouvé refuge avec une trentaine d’autres mamans. […] Toutes ont le moral en berne. […] Avant de partir sous la pluie, son amie pourtant se retourne. « Je compte sur vous ! », nous lance-t-elle. Pour trouver un hébergement ? Non : pour l’aider à inscrire son fils de trois ans à l’école. […]