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Le 5 mars 2020, la romancière franco-marocaine publie « le Pays des autres », premier volet d’une trilogie familiale. L’écrivain et journaliste algérien dresse le portrait de « cette amie si proche, si jumelle ».

1. La maghrébinité

« Paris est une grande capitale du Maghreb. » Elle me l’affirma, espiègle, sur une terrasse du 6e arrondissement. On avait rendez-vous en cette fin de journée car j’avais besoin d’un avis sur une décision importante pour ma vie, celle des miens. J’avais besoin de son esprit si vif et si capable de trancher sans se lester d’hésitations. La formule de Leïla n’est pas une boutade, c’est une vérité. Etrange conséquence du long siècle de la colonisation française au Maghreb, aujourd’hui, c’est en France que la frontière entre le Maroc et l’Algérie n’existe pas. C’est en France que les élites des trois pays (Tunisie aussi) se réfugient, s’exilent, s’associent, se libèrent ou, à l’opposé, s’alignent en jury éternellement insatisfait de la francité.

Ce Maghreb français dont on parlait ce soir-là n’est pas celui du repli communautaire, de cette aigreur de la mémoire, mais celui de notre rencontre. Là, dans ce bistrot, à l’heure où Paris s’allège étrangement, juchée entre la nuit qui se recompose de verres et de rencontres aux bouches du métro et le jour qui se rétracte dans les lumières artificielles. Leïla est la meilleure partie du Maghreb. Je le sens à sa sensibilité pour le pays d’autrefois, sa distance amusée avec l’esprit français rigidifié par ses croyances et ses peurs . Je le sais car le pays d’origine n’est pas pour elle un procès de l’exil, un tribunal de la France ou une culpabilité, mais une extension de l’imaginaire, un lieu de douleur et de perspicacité. […]

Nouvel Obs

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