On ne viendra plus à Saint-Fons acheter les millefeuilles et tartes à la griotte de Gabriel Paillasson. Fin 2018, le pâtissier, dont la réputation rayonnait sur l’agglomération lyonnaise, a pris sa retraite après quarante-cinq ans de service. En ce début d’année 2020, une pelleteuse engloutit les restes de l’institution de l’avenue Jean-Jaurès. De part et d’autre de la brèche, un alignement de kebabs, de snacks, de coiffeurs bon marché et de boucheries halal. « Nous sommes le dernier commerce de bouche “français”, témoigne à quelques pas de là Madame Baurez, la boulangère. Et si seulement on pouvait vendre… »
Les commerces du centre-ville racontent à eux seuls la métamorphose de ces « banlieues » des métropoles de l’Hexagone frappées par la crise économique et la ghettoïsation sociale qui a suivi. Ville prospère au milieu du XXe siècle, portée par les grandes entreprises de la « vallée de la chimie », Saint-Fons s’est depuis enfoncée dans le déclin. Trois mille emplois supprimés dans les années 1980. La bourgeoisie et les classes moyennes ont quitté la ville, laissant à leur sort de Sainfoniards des familles presque exclusivement issues de l’immigration maghrébine ou turque. « L’an dernier, durant le Ramadan, tous les magasins étaient fermés. Dans la journée, c’était ville morte », regrette un retraité. (…)
Le vendredi matin aux heures de prière, les rues de Saint-Fons se remplissent de fidèles qui vont et reviennent de la mosquée Bilal. Des femmes voilées, des hommes qui portent une tunique jusqu’aux chevilles. C’est dans les années 1990 qu’Abdelkader Bendidi crée ce lieu de culte dans le giron de l’islam algérien de la Mosquée de Paris. « À l’époque, le maire n’en voulait pas mais c’est avec le soutien des catholiques qu’on a pu convaincre les pouvoirs publics que nous n’étions pas des intégristes », raconte-t-il. (…)