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Xavier de Maistre est un écrivain savoyard (la province appartenait alors au Royaume de Sardaigne) de langue française, né à Chambéry, mort à Saint-Petersbourg. Il fut également peintre et général au service du tsar Alexandre Ier de Russie. Son frère aîné est Joseph de Maistre, écrivain, philosophe et homme politique.

C’est en 1794 qu’il écrit le Voyage autour de ma chambre, au cours des quarante-deux jours d’arrêts qui lui sont infligés dans sa chambre de la citadelle de Turin pour s’être livré à un duel contre un officier piémontais. Un livre à redécouvrir en période de confinement.

CHAPITRE PREMIER.

Qu’il est glorieux d’ouvrir une nouvelle carrière, et de paraître tout à coup dans le monde savant, un livre de découvertes à la main, comme une comète inattendue étincelle dans l’espace !

Non, je ne tiendrai plus mon livre in petto ; le voilà, messieurs, lisez. J’ai entrepris et exécuté un voyage de quarante-deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j’ai faites, et le plaisir continuel que j’ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public ; la certitude d’être utile m’y a décidé. Mon cœur éprouve une satisfaction inexprimable lorsque je pense au nombre infini de malheureux auxquels j’offre une ressource assurée contre l’ennui, et un adoucissement aux maux qu’ils endurent. Le plaisir qu’on trouve à voyager dans sa chambre est à l’abri de la jalousie inquiète des hommes ; il est indépendant de la fortune.

Est-il, en effet, d’être assez malheureux, assez abandonné, pour n’avoir pas de réduit où il puisse se retirer et se cacher à tout le monde ? Voilà tous les apprêts du voyage.

Je suis sûr que tout homme sensé adoptera mon système, de quelque caractère qu’il puisse être, et quel que soit son tempérament : qu’il soit avare ou prodigue, riche ou pauvre, jeune ou vieux, né sous la zone torride ou près du pôle, il peut voyager comme moi ; enfin, dans l’immense famille des hommes qui fourmillent sur la surface de la terre, il n’en est pas un seul, — non, pas un seul (j’entends de ceux qui habitent des chambres) qui puisse, après avoir lu ce livre, refuser son approbation à la nouvelle manière de voyager que j’introduis dans le monde. […]

Après mon fauteuil, en marchant vers le nord, on découvre mon lit, qui est placé au fond de ma chambre, et qui forme la plus agréable perspective. Il est situé de la manière la plus heureuse : les premiers rayons du soleil viennent se jouer dans mes rideaux. — Je les vois, dans les beaux jours d’été, s’avancer le long de la muraille blanche, à mesure que le soleil s’élève : les ormes qui sont devant ma fenêtre les divisent de mille manières, et les font balancer sur mon lit, couleur de rose et blanc, qui répand de tous côtés une teinte charmante par leur réflexion. — J’entends le gazouillement confus des hirondelles qui se sont emparées du toit de la maison, et des autres oiseaux qui habitent les ormes : alors mille idées riantes occupent mon esprit ; et, dans l’univers entier, personne n’a un réveil aussi agréable, aussi paisible que le mien. […]

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