La France désarmée
Après le drame du 11 septembre 2001 et les attaques à l’anthrax subies par les Etats-Unis, le gouvernement français voulait dresser un état des lieux des mesures de santé publique prises pour affronter un attentat bioterroriste ou, plus largement, une maladie infectieuse. Le bilan est sans équivoque: notre pays apparaît comme l’ «un des moins bien préparés à un problème d’épidémie massive», écrit Didier Raoult, professeur à la faculté de médecine de Marseille, dont le rapport a été rendu public par les ministères de la Santé et de la Recherche. Inquiétant!
«Il y a eu démission, accuse ce spécialiste de bactériologie-virologie, parce que l’Etat n’a jamais fait des maladies infectieuses une priorité.» Notamment par comparaison à l’Amérique, qui y consacre, chaque année, 3,6 milliards de dollars. Résultat, la France souffre d’un manque d’infrastructures. Au point que les manipulations de micro-organismes pathogènes ne se déroulent plus dans des conditions minimales de sécurité. L’Hexagone compte ainsi un seul laboratoire P 4, construit sur des fonds privés, où peuvent être étudiés les agents les plus virulents – variole, virus Ebola, etc. Mais l’argent n’est pas tout. Le rapport préconise une refonte du réseau de surveillance et une réorganisation de la recherche par la création d’une dizaine d’ «infectiopôles» qui, sur le modèle des génopôles, réuniraient des unités de recherche fondamentale, de soins, de diagnostic ou d’épidémiologie.
Didier Raoult prône enfin une nouvelle approche politique des crises sanitaires: non plus en fonction de l’émotion du public ou de leur exposition médiatique, mais selon leur gravité. Avec ce parallèle entre l’affaire de la maladie de Creutzfeld-Jakob (quatre morts en huit ans), au coût de prévention exorbitant, et le traitement insuffisant des cas d’infections nosocomiales (10 000 décès chaque année). Il plaide ainsi, afin que les autorités ne naviguent plus à vue, pour la mise en place d’un comité d’experts chargés de donner chaque année une vision globale de la santé et de fixer les objectifs prioritaires. Reste à choisir ces spécialistes «selon la qualité de leurs parutions scientifiques, plutôt que selon leur carnet d’adresses».