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La règle en temps de crise, c’est qu’il n’y a plus de règles. Celles qui encadraient les procédures de marchés publics en Europe ont volé en éclat avec l’épidémie de Covid-19. Pour permettre aux états membres de l’Union de faire face à la pénurie en équipements essentiels pour les soignantes et les patients, les pays européens ont assoupli considérablement la réglementation pour les achats vitaux, le matériel médical ou les médicaments.

Les commandes publiques se font sans appels d’offres préalable, via des procédures de gré à gré. Le risque de favoritisme, de corruption, de surfacturation et d’escroqueries est élevé. Depuis que les états membre “ont pris conscience de la nécessité d’acheter en urgence”, c’est devenu “la jungle sur les marchés, la loi du plus fort, du plus riche, et souvent du plus malicieux, voir du plus criminel”, raconte un responsable en poste à la Commission européenne.

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“Des propositions étranges, qui viennent de partout”

Depuis le début de la pandémie, les hôpitaux et les cliniques sont démarchées quotidiennement par des hommes d’affaires qui assurent avoir des masques ou des respirateurs à vendre. Et, parfois, les structures de soin européennes acceptent de passer commande sans avoir la certitude de voir un jour la couleur de la marchandise. “Quand vous êtes en situation d’urgence, vous avez tendance à accepter un maximum d’offres. C’est ce qui se passe en Italie, notamment en Lombardie, où  les hôpitaux ne sont pas certains d’avoir un nombre suffisant de ventilateurs pour les malades”, raconte Gian Luigi Albano.

Hugues Lefranc, directeur des achats pour le groupement hospitalier de territoire Hainaut Cambrésis – qui regroupe douze établissements de soin dans la région de Valenciennes – abonde : “On reçoit quasiment une proposition toutes les heures, ça vient de partout. Dans certains cas, il y a des montages d’entreprises très bizarres, avec une personne basée au Pakistan, une autre en Inde, ça semble assez étrange…” L’acheteur valenciennois explique qu’il préfère traiter avec un seul trader chinois qui travaille depuis plusieurs années déjà avec la France.

Des propositions de ce genre, Jean Rottner, le Président de la région Grand Est, affirme en avoir “au moins 75 dans [sa] boîte mail.” La collectivité a lancé, le 20 mars, un appel aux entreprises qui disposaient de stocks de masques. “On a réussi comme ça en en récupérer 1,3 millions auprès des entreprises, mais on a aussi reçu des messages du monde entier, explique-t-il. Il y en avait un qui nous proposait un stock bloqué à Roissy. En regardant d’un peu plus près, c’était un vendeur de voitures.” 

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Le marché commun “à la poubelle”

A l’échelle européenne, de nombreuses sources institutionnelles évoquent une même “anarchie”, une absence de centralisation des commandes, un politique du “chacun  pour soi” qui rend la situation “intolérable”. “Le manque de solidarité est tel que le cabinet du commissaire Thierry Breton a dû taper du poing sur la table”, relate un responsable de la Commission européenne à Bruxelles. “Ils ont tous adopté des stratégies individualistes, ou de « free rider », autrement dit des stratégies du « passager clandestin », qui désigne un comportement qui profite d’un avantage économique ou politique”.

“Le repli nationaliste est la première conséquence de la crise”

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L’enquête dans son intégralité sur France Bleu

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