Juliette, 25 ans, interne en gériatrie dans un hôpital de la banlieue parisienne, est en première ligne dans la bataille contre le Covid-19.
(…) Juliette travaille dans des conditions plus que précaires : elle change de masque – uniquement des chirurgicaux, « les FFP2 sont réservés à la réa et aux urgences » – seulement une fois par jour, alors que dans son service se pratiquent désormais des prélèvements. « Quand j’en demande, j’en ai, mais on nous les délivre au compte-gouttes. » Et pour cause, en plus de la pénurie nationale, au début de l’épidémie, il y a eu de nombreux vols dans son service. Des vols de masques, de lingettes désinfectantes et même de lunettes (pour soigner les patients sous aérosol) ont été commis dans les bureaux des cadres hospitaliers, pourtant fermés à clef.
Pour le reste de son équipement, Juliette n’a qu’une surblouse bleue en tissu très fin – les pyjamas jetables sont réservés aux urgentistes. « Quand on l’enlève, on fait bien attention à ne pas déchirer les nœuds pour pouvoir la remettre le lendemain », précise l’interne, qui vient d’apprendre que dorénavant sa surblouse ne serait plus changée tous les deux jours, mais lavée et réutilisée tous les jours ! Le système D ne s’arrête pas là : « Faute de charlottes, on met des slips jetables sur nos têtes ! Bien sûr, il faut en mettre deux pour recouvrir les trous qui servent aux jambes… » précise-t-elle. Et depuis la fin de semaine dernière, ce sont les antibiotiques (pourtant dans le protocole officiel) qui commencent à manquer.
(…) Une infirmière a cependant été mise en arrêt maladie : un homme ayant forcé le passage pour aller dans la chambre de son père lui a cassé le bras… « C’est dur pour les familles – les visites sont interdites, NDLR –, qui sont à cran elles aussi, mais parfois elles sont vraiment impolies, voire insultantes. »
(…) Les patients de gériatrie ne sont clairement « pas prioritaires », confirme l’interne. Un « tri » – qui ne dit pas son nom – est bien en marche.