Pour l’historien Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, après ce « juin 40 » de la santé publique, l’État, au sens large, ne pourra échapper à une introspection sincère. Parmi les enjeux de l’après-crise, le maintien la paix publique.
[…] Après ce « juin 40 » de la santé publique, l’État, au sens large, ne pourra échapper à une introspection sincère.
Si elle n’a pas lieu, nous courons le risque de nous retrouver face à une situation explosive à côté de laquelle la crise des Gilets jaunes nous paraîtra être un gentil monôme de cour d’école. Il ne s’agit même pas d’exiger un mea culpa, un « responsable et pas coupable » ou le désormais habituel « nous avons été surpris par une vague imprévue ». L’État devra avouer ses responsabilités et ses erreurs, sans tenter de protéger qui que ce soit. En clair, se montrer intraitable (on hésite à écrire : sans pitié).
Voici vingt ans ou peut-être même trente que nul ne pouvait ignorer qu’une grande crise sanitaire était redoutée. […]
Incontestablement, des sanctions doivent suivre et des têtes doivent tomber, ou au moins des responsabilités être sérieusement mises en cause, à commencer par celles des ministres des trois derniers quinquennats et, je n’hésite pas à le dire, du directeur général de la Santé, dont c’était le travail de prévoir, de conseiller et de s’opposer aux folies des ministres comptables. Que le Pr Salomon parle bien à la télé ne doit pas le dispenser de rendre des comptes, lui qui est dans le circuit décisionnaire depuis des lustres.
La paix publique dépendra de ce nettoyage, qui doit être sans arguties et sans copinage. Lorsqu’on est en guerre, on ne doit pas hésiter à sanctionner les généraux qui ont failli. Les citoyens chauffés à blanc ne se contenteront pas de mesurettes, des habituelles nominations de compensation, au Conseil d’État ou ailleurs, et de l’autosatisfaction postérieure de ceux qui ont conduit le pays pendant la crise. […]
Pour sortir de cette crise, […] une vraie et sincère réflexion sur notre système de lutte contre les épidémies (il y en aura d’autres) s’impose à l’évidence. Elle ne pourra se faire sans un vrai coup de balai, le renvoi (y compris en justice) de ceux qui ont failli, sans un vrai patriotisme industriel (quitte à ce qu’il coûte un peu, et même beaucoup, aux actionnaires) et un réveil des citoyens.