Jamel Afraoui vit à la rue depuis le début du confinement car il ne peut plus travailler et donc payer sa chambre d’hôtel. Il nous a demandé que son prénom et son nom soient visibles afin de témoigner du blocage de sa situation administrative aux services sociaux des villes de Paris et de Bobigny.
(…) Oui ça je ne le savais pas, j’allais chez eux tous les six mois, la troisième fois ils m’ont dit « monsieur on est submergés par les migrants, on n’a plus de place pour les domiciliations. » On m’a toujours refusé une domiciliation sur Paris et on m’a toujours renvoyé vers le 93 car j’ai de famille dans le 93 que je ne vois plus depuis des années.
(…) Hamadi, à Paris
(…) En différents points. Déjà le principal : on est sujets à attraper le coronavirus et on ne sait même pas si on sera pris en charge ou pas. On ne sait pas quoi faire, on nous dit « faut se laver les mains ceci cela » mais la vérité, si je l’ai, je fais quoi ? On ne nous prend pas en charge, c’est limite on est invisibles. J’ai beau faire des demandes, ça n’aboutit pas. Il n’y a pas de distributions de masques, il n’y a rien en ce qui concerne la sécurité. Au niveau du repas, j’avoue que c’est assez facile de manger dans Paris avec les gens. Ils vous voient de la fenêtre, ils font à manger et ils nous disent « tenez monsieur ». Il y a des êtres humains sur terre encore. Mais le problème, c’est au niveau des services sociaux. Depuis un bon mois, on nous fait croire qu’ils réquisitionnent des hôtels pour nous mais ce n’est pas vrai. Dans la journée je marche beaucoup et je vois les mêmes hôtels fermés, les mêmes hôtels ouverts, je vois les mêmes personnes dehors. La seule chose qui se différencie et que j’ai remarqué ces derniers temps, c’est au niveau des réfugiés. Ils ont pris en charge les réfugiés, je n’ai pas honte de le dire, et nous ils nous ont mis de côté*. Après, je sais pas quoi dire mais je reste humain. Si une personne a besoin d’aide, je suis content qu’on l’aide mais je veux dire qu’il y a des personnes qui attendaient depuis bien plus longtemps et qui en sont toujours au même point. Y’en a qui ont baissé les bras, d’autres qui ne veulent même plus d’aide tellement on leur a dit « ne vous inquiétez pas ». À un moment, ils n’y croient plus.
(…)
* Le constat de la situation désastreuse des campements auto-établis d’exilé·es du nord de Paris place les auteur·es de ce blog en porte-à-faux avec Hamadi dont les propos sont restitués ici dans leur complétude. La politique qui consiste à dresser des groupes de personnes vivant à la rue les uns contre les autres en fonction des supposées aides sociales attribuées renvoie des souffrances dos à dos. Cela participe à l’éclatement des luttes et des solidarités qui profite à des politiques publiques à la fois pauvrophobes et racistes.