Les demandes de visas soumises aux ambassades et consulats ne relèvent pas de la juridiction des États
Mardi 5 mai dernier, dans une décision de principe, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré, à la majorité, irrecevable une requête de ressortissants syriens ayant déposé une demande de visa en vue d’une procédure d’asile à l’ambassade belge de Beyrouth.
Les requérants étaient une famille syrienne, un couple avec deux enfants, résidant à Alep. Le 22 août 2016, ils se rendirent à l’ambassade de Belgique à Beyrouth pour y déposer une demande de visas humanitaires. […] Ils souhaitaient donc quitter Alep et obtenir des visas pour venir demander l’asile à la Belgique […] où ils étaient en contact avec une famille belge prête à les accueillir.
Le 13 septembre 2016, l’Office des étrangers refusa de leur délivrer un visa, faisant valoir que les visas de courts séjours demandés n’avaient pas pour vocation de permettre l’entrée en Belgique de personnes ayant l’intention de s’y installer de manière permanente. Les requérants saisirent alors la juridiction administrative qui suspendit les refus d’octroi de visas et ordonna à l’État belge de prendre dans les 48 heures de nouvelles décisions rédigées avec une motivation qui tienne compte de la situation extrêmement dangereuse en Syrie. Il s’ensuivit de multiples procédures, administratives et civiles, devant les tribunaux belges, mais les requérants ne purent jamais accéder au territoire belge pour y déposer leur demande d’asile. Ils finirent par déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, invoquant une violation de l’article 3 de la Convention qui proscrit toute torture et les traitements inhumains et dégradants, ainsi qu’une violation de l’article 6 § 1 qui garantit à toute personne le droit à un procès équitable.
A la fin de l’année 2018, la chambre de la Cour à qui avait été attribuée l’affaire s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre, considérant que l’affaire soulevait une question grave relative à l’interprétation de la Convention. Plusieurs gouvernements sont alors intervenus pour soutenir la position de la Belgique […] tandis que plusieurs organisations non gouvernementales sont venues appuyer le point de vue des requérants (notamment la Ligue des droits de l’homme, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme[…] Une audience a eu lieu au Palais des droits de l’homme à Strasbourg le 24 avril 2019.
Dans sa majorité, la Cour a considéré que la Convention ne s’appliquait qu’aux personnes relevant de la juridiction des États parties. […] qu’admettre le contraire reviendrait à mettre à néant le principe bien établi selon lequel les États ont le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux. […]