Dreyfus-Traoré : contre une justice aux ordres
Les politistes savent bien qu’une transnationalisation des luttes ne se réduit jamais à une importation simple des concepts politiques marqués par des histoires nationales singulières. Par contre, elle produit souvent des effets de sens qui permettent à ces luttes nationales de revenir sur leurs impensés historiques et ainsi ouvrir de nouvelles perspectives.
L’affaire Adama, en étant comparée à l’affaire Dreyfus, selon les mots même d’Assa Traoré, a été longtemps pensée dans des termes strictement nationaux et sans référence au contexte américain. Comme pour Dreyfus, le combat porté par le Comité Adama est avant tout un combat contre une justice aux ordres, dont les lenteurs suggèrent qu’elle a pour but d’organiser une omerta et protéger ceux qui sont en charge d’exercer ce que Max Weber a nommé le «monopole de la violence légitime» – tantôt l’armée, tantôt la gendarmerie ou la police.
Les avocats de Dreyfus comme les soutiens du Comité Adama dénoncent la spécificité bien française d’un parquet dépendant du pouvoir et soupçonné à ce titre d’entrave à l’éclatement de la vérité judiciaire (en refusant d’entendre des témoins clés ou en reléguant les conclusions de contre-expertise graphologique ou médicale), pour aider le pouvoir à organiser son impunité au mépris des droits humains dont doit jouir chaque citoyen français. […]