La Guinée est le premier pays d’Afrique subsaharienne en termes d’immigration irrégulière en France. Un phénomène particulier et dramatique, qui risque d’avoir de lourdes conséquences pour la Guinée. […] […] Lorsqu’on regarde les chiffres des trois dernières années pour les mineurs non accompagnés (MNA) guinéens, on observe que c’est la première nationalité en France dans les arrivées en provenance d’Afrique subsaharienne, tout confondu, Afrique de l’Ouest et de l’Est. Quand on regarde les chiffres de l’asile, on remarque qu’en France, en Belgique et en Espagne, les Guinéens sont la première nationalité pour les demandeurs d’asile d’Afrique subsaharienne depuis 2017. C’est d’autant plus surprenant que la Guinée n’a pas une diaspora développée dans ces pays, à la différence des diasporas malienne, sénégalaise ou ivoirienne beaucoup plus présentes, la diaspora étant en général un facteur important de migration.
[…] les MNA guinéens représentaient en 2017, 29% de l’ensemble des MNA arrivés en France et 31% en 2018 et 2019. Donc on est sur une moyenne de 30%. C’est de loin la première nationalité de MNA pris en charge en France. En valeur absolue, 4 323 MNA Guinéens en 2017, 5 227 en 2018 et 5 47 en 2019. Si on totalise majeurs et mineurs guinéens en France, on est à peu près sur 11 000 personnes qui arrivent par an depuis 2017, ce qui est important pour cette migration. […]Combien coûte un voyage vers l’Europe pour ceux qui décident de migrer irrégulièrement ?
[…] Les coûts varient entre 3 000, 4 000 euros, notamment s’il s’agit de personnes qui cherchent à passer les fameuses barrières de Ceuta et Melilla qui deviennent de plus en plus infranchissables, c’est-à-dire les deux enclaves espagnoles qui sont sur le continent Africain, situées au Maroc. En revanche, et c’est une voie qui se développe de plus en plus, si les personnes souhaitent rejoindre l’Espagne avec une embarcation, qui part notamment de Nador, plus que de Tanger, il faut rajouter entre 3 000 et 5 000 euros. Donc on arrive à des coûts de migration qui peuvent s’élever au minima du minima à 3 000, 4 000 euros jusqu’à 10 000 euros si ce n’est plus, car sur la route il peut y avoir des surprises, les personnes peuvent de faire dépouiller, kidnapper etc.Comment le candidat à l’immigration peut–il trouver les fonds nécessaires pour financer son voyage ?
C’est un petit peu notre hypothèse de travail. Dans d’autres pays, en général c’est la diaspora qui se cotise et qui aide la personne à rejoindre l’Europe. Or, la diaspora guinéenne en Europe, peut-être à l’exception de la Belgique, reste très limitée en nombre […] Donc se pose la question : comment font-ils pour rassembler cette somme […] […] Ce ne sont jamais les populations les plus pauvres qui migrent. Cela demande des ressources aussi bien en capital qu’en termes d’adaptation qui ne sont pas à la portée des populations les plus pauvres. […] […] Depuis 2017, la principale route passe toujours de Guinée au Mali mais pour rejoindre l’Algérie. Certains travaillent un moment en Algérie pour pouvoir financer le reste du voyage et ensuite partent vers le Maroc en passant par Oujda, puis cherchent à regagner l’Espagne, d’où elles iront majoritairement en France ou parfois en Allemagne ou en Belgique. […] […] à partir de Gao, ils sont obligés d’utiliser des passeurs avec ce qu’ils appellent des « taxis mafia », des taxis qui les conduisent d’un point à un autre, parfois de l’autre côté de la frontière et qui les amènent le plus souvent directement dans ce qu’ils appellent les « foyers », des appartements ou des maisons qui sont fermés et gardés. Là, ils exigent d’être payés et demandent en général à des personnes restées en Guinée d’envoyer par transfert la somme demandée. Une fois que les candidats à la migration ont payé, ils sont libérés et peuvent continuer la route. […] […] La migration des femmes est moindre. Elles ne passent pas majoritairement par la route terrestre. La plupart des femmes prennent un vol soit au départ de Conakry (Guinée) ou au départ de Dakar (Sénégal) et atterrissent au Maroc à Casablanca, pour ensuite tenter de rejoindre l’Europe. […]
Quelles sont les actions possibles pour endiguer le phénomène ?
[…] on voit bien que malgré toutes les formes de sécurisation des frontières, la réponse entièrement sécuritaire ne fonctionne pas avec cette migration. Ce qu’il faudrait surtout serait de diminuer les risques. En Europe de l’Ouest, on a énormément de secteurs économiques qui sont en pénurie de main d’œuvre, donc ce n’est pas véritablement une difficulté pour l’Europe d’absorber cette migration quel qu’en soit le motif. La vraie difficulté, c’est surtout la conséquence de cette migration irrégulière. C’est un risque d’appauvrissement des familles pour ceux qui se sont cotisés, qui ont emprunté de l’argent pour pouvoir permettre à un membre de leur famille de partir. Cela risque d’avoir des conséquences sociales en Guinée très importante. […]Mission mineurs non accompagnés : rapport annuel d’activité 2019