Au milieu du débat mondial sur les relations raciales, le colonialisme et l’esclavage, certains des Européens et des Américains qui ont fait fortune dans le commerce des êtres humains ont vu leur héritage réévalué, leurs statues renversées et leurs noms retirés des bâtiments publics.
La journaliste et romancière nigériane Adaobi Tricia Nwaubani écrit que l’un de ses ancêtres a vendu des esclaves, mais affirme qu’il ne devrait pas être jugé selon les normes ou les valeurs d’aujourd’hui.
Mon arrière-grand-père, Nwaubani Ogogo Oriaku, était ce que je préfère appeler un homme d’affaires, issu du groupe ethnique Igbo du sud-est du Nigeria. Il s’occupait d’un certain nombre de marchandises, dont le tabac et les produits de la palme. Il vendait également des êtres humains.
“Il avait des agents qui capturaient des esclaves de différents endroits et les lui amenaient”, m’a raconté mon père.
Les esclaves de Nwaubani Ogogo étaient vendus par les ports de Calabar et de Bonny, dans le sud de ce qui est aujourd’hui le Nigeria.
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L’achat et la vente d’êtres humains chez les Igbo avaient commencé bien avant l’arrivée des Européens. Les gens devenaient des esclaves en guise de punition pour leurs crimes, pour paiement de dettes ou en tant que prisonniers de guerre.
Arriver à vendre des adultes était considérée comme un exploit pour lequel un homme était salué par des chanteurs de louanges, un peu comme les exploits de lutteurs, de guerre ou de chasse aux animaux comme le lion.
Les esclaves igbo servaient de domestiques et d’ouvriers. Ils étaient parfois aussi sacrifiés lors de cérémonies religieuses et enterrés vivants avec leurs maîtres pour les soigner dans l’au-delà.
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Lorsque les Britanniques ont étendu leur domination au sud-est du Nigeria à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, ils ont commencé à imposer l’abolition par l’action militaire.
Mais en recourant à la force plutôt qu’à la persuasion, de nombreuses personnes locales comme mon arrière-grand-père n’ont peut-être pas compris que l’abolition concernait la dignité de l’humanité et non un simple changement de politique économique qui affectait la demande et l’offre.
“Nous pensons que ce commerce doit continuer”, disait tristement un roi local à Bonny au XIXe siècle.
“C’est le verdict de notre oracle et de nos prêtres. Ils disent que votre pays, aussi grand soit-il, ne pourra jamais arrêter un commerce ordonné par Dieu”.
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