Fdesouche

Manuel Boucher est professeur des universités en sociologie à l’Université de Perpignan Via Domitia. Ses travaux portent notamment sur l’ethnicisation et la racialisation des relations sociales. Il vient de diriger l’ouvrage collectif “Radicalités identitaires”. Nous l’avons interrogé.

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N’est-ce pas dangereux de laisser croire que les trois phénomènes pourraient être mis sur le même plan ?

Aucunement. Même s’ils ne mobilisent pas la violence avec la même intensité, tous ces extrémistes identitaires et identitaristes, autrement dit, les militants d’extrême droite de “Fdesouche” et de “Génération identitaire”, les activistes racialistes du Parti des Indigènes de la République (PIR) et leurs alliés décoloniaux ainsi que les salafo-djihadistes bien décrits récemment par Hugo Micheron (Le djihadisme français. Quartiers, Syrie, prisons, Paris, éd. Gallimard, 2020, p. 43) voient le monde en “noir et blanc” et l’avenir de l’humanité comme un “choc des civilisations” et une “guerre de races”. Ces mixophobes ethno-différencialistes partagent la théorie du “grand remplacement” en Occident popularisée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus affirmant qu’il existe un projet politique de remplacement d’une civilisation par une autre organisé délibérément par les élites politiques, intellectuelles et médiatiques.

Les Français “de souche” seraient ainsi peu à peu évincés démographiquement par des peuples non-européens, en particulier issus des pays du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Dans cette perspective, les identitaires nationalistes et “écofascistes” mixophobes sont anti-cosmopolites et prônent la “remigration” tandis que les identitaristes indigénistes décoloniaux et les islamistes revendiquent une hétérophobie communautaire et politico-religieuse. L’un des points communs des acteurs de ces processus de radicalisations identitaires est qu’ils s’attachent à développer une “politique des catastrophes”.

En effet, comme le signale Theodor Adorno (1903-1969) à propos du Nouvel extrémisme (Paris, éd. Climats/Flammarion, 2019), dans un contexte où “les conditions sociales et économiques du fascisme continuent d’exister (concentration du capital)“, ces activistes alimentent le sentiment de catastrophe sociale et “se nourrissent de fantasmes de fin du monde”. Ils insistent sur ce qui divise (la religion, le sexe, la “race”, etc.) plutôt que sur ce qui rassemble, c’est-à-dire une commune humanité au-delà du genre, de la classe, de la culture, de la couleur de peau, etc. Ces promoteurs de division et de séparation sont des “croisés de la morale” selon l’expression d’Howard Becker (Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, éd. Métailié, 1985) et des producteurs d’identités fermées cherchant à contrôler les corps et les esprits pour faire des “individus” des “représentants” communautaires, chargés de défendre, notamment par la violence, leur communauté d’appartenance et de référence.

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Si la mouvance identitaire incarne le nouveau visage de la jeunesse d’extrême droite des années 2000, à l’instar des autres groupes historiques nationalistes, néofascistes et racistes, ils représentent des activistes dangereux pour la démocratie, surtout lorsqu’ils s’allient officiellement ou officieusement avec des partis d’extrême droite faisant d’importants scores électoraux depuis plusieurs décennies. En effet, même si les identitaires ont à cœur de renouveler les répertoires d’action de l’ultra-droite, ils demeurent des adeptes de méthodes radicales et violentes pour défendre une vision mixophobe de la société.

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Comme le souligne Yvan Gastaut dans le livre que j’ai dirigé (Radicalités identitaires, Paris, éd. L’Harmattan, 2020), l’une des caractéristiques des jeunes identitaires qui ne croient plus à la possibilité de faire triompher leurs idées par les suffrages et la non-violence est qu’ils veulent passer à l’action pour défendre l’Occident qu’ils perçoivent en danger de disparition. Pour les activistes identitaires, en effet, les migrants musulmans originaires du Moyen-Orient et d’Afrique sont stigmatisés comme les principaux responsables des incivilités, de la délinquance, d’un racisme anti-Français et représentent des menaces terroristes.

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Face à la “racaille des banlieues”, à l’islamisation et à l’immigration massive et au “prétendu vivre-ensemble qui vire au cauchemar”, ils appellent les jeunes Français, c’est-à-dire Européens et non musulmans “à relever la tête”, autrement dit à se rebeller et à rejoindre “la première ligne de la résistance” pour mener une véritable “guerre identitaire” comme ils l’affirment sur leur site internet au printemps 2020 : “Conscients des défis qui s’imposent à nous, nous ne refusons aucune bataille. Fiers de notre héritage et confiants dans notre destin, nous n’avons qu’un seul mot d’ordre : on ne recule plus ! Nous sommes la génération sacrifiée, mais pas la génération perdue. Car nous entrons en guerre contre tous ceux qui veulent nous arracher nos racines et nous faire oublier qui nous sommes. Notre idéal est la reconquête, et nous la mènerons jusqu’au bout. Génération Identitaire est la barricade sur laquelle se dresse la jeunesse en lutte pour son identité.”

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La tribune dans son intégralité sur Marianne

 

 

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