De nombreuses marques de mode intègrent désormais à leur organisation un «chief diversity officer». Sa mission ? Favoriser l’embauche d’employés de toutes origines et veiller à ce que collections et publicités ne comportent aucun message discriminatoire. Alors, coup de com’ ou réelle prise de conscience ?
En ce jeudi glacial de décembre 2018, Chinyere Ezie remonte Broadway pour se rendre au Centre pour les droits constitutionnels, où elle exerce comme avocate. Elle s’arrête net en chemin sur l’avenue new-yorkaise, stupéfaite, devant la boutique Prada. En vitrine comme à l’intérieur sont exposés des porte-clés et des figurines représentant des personnages noirs avec d’énormes lèvres rouges. « Il se trouve que j’avais visité la veille le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines, à Washington, où j’avais pu voir des exemples historiques de caricatures de Noirs et de blackfaces, raconte-t-elle. Et j’étais soudain, là, au XXIe siècle, bouche bée, en plein Soho, devant le même genre de représentations racistes, visibles par tous dans une boutique de luxe. »
Les posts Facebook et Twitter, dans lesquels elle dit son indignation à ses quelques abonnés, déclenchent un scandale viral : voilà Prada accusé de racisme. « Ce qui m’a le plus outrée à l’époque fut d’apprendre de la bouche de Carlo Mazzi [le président de Prada] qu’il n’y ait pas eu une seule personne de couleur dans la chaîne de production, dans le studio, au marketing, à la communication, pour lever le doigt et dire que ces figurines posaient problème. » […]
Le 4 février 2020, cette retentissante affaire s’est soldée par un accord de 18 pages signé par Ezie et Pierre Fayard, directeur de Prada pour l’Amérique du Nord, devant la commission des droits de l’homme de la ville. Le texte, que nous avons pu consulter, engage la marque à délivrer dans un délai de quatre mois des formations diversité et antidiscrimination « à tout employé dont le travail a un impact à New York ». […]