À Lyon, la nouvelle municipalité écologiste met peu à peu en place son programme avec, comme première étape importante, un budget “genré” prochainement voté. Chacune de ses mesures sera examinée selon le critère de l’égalité entres les femmes et les hommes, ce qui est une première en France pour une ville de plus de 500.000 habitants. (….)
Cette décision, une première en France dans une métropole aussi importante, constitue une petite révolution. Les premiers secteurs concernés seront l’éducation et le sport : “Pour l’école, il s’agit d’éviter de créer un terrain de football au milieu de la cour de récréation, parce qu’on sait que ce sont plutôt les garçons qui vont aller jouer au football et que les filles vont se retrouver dans les périphéries, à discuter ou à se poser par terre, sans activité”, développe l’adjointe écologiste.
“On se rend compte qu’il faut déconstruire certaines idées reçues pour pouvoir avancer sur l’égalité entre les femmes et les hommes”, poursuit Audrey Hénocque. À la place du terrain de football, il pourra y avoir des carrés végétalisés, pour permettre aux filles et aux garçons de jardiner. Mais aussi des espaces pour faire du handball ou pour jouer à la balle aux prisonniers, des jeux moins connotés “garçon”. Cette méthode nouvelle s’appliquera dans un second temps aux aménagements urbains et à la culture.
De plus en plus d’écoles et de collèges réaménagent leurs cours afin de restituer aux filles les mètres carrés accaparés par les garçons.
Le sujet a mis du temps à émerger, mais après Trappes (Yvelines), Lyon, Rennes, Bordeaux, Grenoble ou Floirac (Gironde), il s’impose comme une tendance de la rentrée 2020 dans de nombreuses communes : de plus en plus d’écoles élémentaires et de collèges s’équipent de cours de récréation « non genrées ».
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A la manœuvre, la géographe bordelaise Edith Maruéjouls, fondatrice du bureau d’études Arobe (Atelier recherche observatoire égalité). Depuis dix ans, la chercheuse accompagne des collectivités dans la mise en œuvre de politiques publiques axées sur l’égalité, comme en cette rentrée à Grenoble, où elle intervient à l’école Clemenceau à la demande de la majorité écologiste d’Eric Piolle. Elle a déjà mené à bien une trentaine de projets de réaménagement de cours d’école.
A chaque fois, elle dissèque, des mois durant, les mœurs des 6-11 ans : « La cour de récréation est une microsociété où les garçons, leurs rapports virilistes, occupent déjà une place centrale, alors que les filles sont reléguées aux coins, à faire des “petits jeux”. Elles sont invisibilisées. Le terrain de foot, qui occupe en général 80 % de l’espace, crée une échelle de valeurs de ce qui est important, à savoir les garçons, et de ce qui ne l’est pas, c’est-à-dire les filles, résume-t-elle. Mais c’est un rapport de force dont sont victimes tous les enfants “non conformes”, qui minore aussi les élèves en surpoids, les plus petits, les handicapés… »