« La créolisation, c’est un métissage d’arts ou de langages qui produit de l’inattendu. C’est une façon de se transformer de façon continue sans se perdre », expliquait l’écrivain antillais Édouard Glissant au Monde en 2005. Pour Jean-Luc Mélenchon, qui s’est exprimé lundi 21 septembre 2020 à l’occasion du lancement du think tank de son parti, « l’Institut de la Boétie », la société française connaît une « sorte de créolisation ».
Dans un long discours sur la République, qui préfigure les idées qu’il pourrait développer dans une future campagne présidentielle, le leader de La France insoumise a affirmé : « Notre peuple s’est créolisé, le peuple français a commencé une sorte de créolisation qui est nouvelle dans notre histoire, il ne faut pas en avoir peur, c’est bien. On avance, on bouge, on respire, on vit ! »
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Qu’est-ce que la “créolisation” ?
Edouard Glissant, écrivain, poète et essayiste martiniquais, grand penseur de la «créolisation», ce processus socio-ethnique d’interaction et d’hybridation de traits culturels et linguistiques déterritorialisés, qu’il définit comme le « métissage qui produit de l’imprévisible ».
(…) D’un point de vue ontologique et politique, la créolisation définit donc une modalité singulière de l’identité, et est en rupture avec le lien sacré qui scelle le dispositif (…) qui arrime une culture à un territoire pourvu d’une identité nationale (unité de peuplement et de langue). Glissant croise ainsi deux couples qu’il oppose terme à terme : aux identités à racine unique, il oppose l’identité rhizome ; et aux cultures ataviques fondées sur le privilège de l’Un et obéissant au principe de la filiation et du récit épique de la fondation, il oppose l’idée des cultures composites, et pour lesquelles il est impossible de remonter aux antécédents en ligne directe, et de faire des ancêtres les détenteurs d’une identité pérenne, et verrouillée par un rapport de filiation directe et unicentrée. C’est pourquoi le concept de créolisation ne fait signe ni vers une authenticité perdue (à retrouver), ni vers un lieu stable entré en possession durable et dont le titre de propriété garantirait la pérennité du lien identitaire – entre le territoire et son peuplement, entre ce peuplement et son unité généalogique. (…)
« La créolisation suppose que les éléments culturels mis en présence doivent obligatoirement être “équivalents en valeur” pour que cette créolisation s’effectue réellement. C’est-à-dire que si dans des éléments culturels mis en relation certains sont infériorisés par rapport à d’autres, la créolisation ne se fait pas vraiment. (…) »