Dans « Nos campagnes suspendues » Salomé Berlioux démontre que la France rurale et périphérique, souvent sous les radars, a aussi été touchée de plein fouet par la crise du Covid-19. Salomé Berlioux, a publié « Invisibles de la République » ? Elle est présidente de l’association Chemins d’avenirs.
Salomé Berlioux donne parole à la France qu’on entend peu. Elle rappelle qu’il n’y a pas que les métropoles ou les grandes villes, souvent au cœur des préoccupations politiques ou médiatiques, mais qu’il y a aussi des petites villes et des villages ruraux, particulièrement frappés par les inégalités.
Cette France-là vit la crise du Covid-19 d’une autre manière que dans les métropoles, mais pas moins éprouvante. Avec la peur du virus, comme partout, mais des difficultés spécifiques en plus : l’isolement renforcé, la fracture numérique, les déserts médicaux, les difficultés d’orientation pour les jeunes… Déjà coauteure des « Invisibles de la République », Salomé Berlioux rappelle quelques chiffres utiles pour remettre les idées en place : 23 % des moins de 20 ans grandissent dans des communes de moins de 2 000 habitants et 42 % dans les petites villes de 2 000 à 25 000 habitants. Or, pour ceux-là, le champ des possibles est plus réduit. Depuis 2007, rappelle-t-elle aussi, les trois quarts des emplois créés se concentrant dans seulement quinze métropoles… Elle craint que la crise du Covid n’arrange rien sans un véritable changement de prisme politique. […]
Printemps 2020 : dans les grandes métropoles, les services hospitaliers sont sous tension, la mortalité élevée, les habitants exposés. Pour autant, les campagnes affrontent, elles aussi, le confinement. Loin des clichés sur leurs tranquilles espaces verts et leurs résidences secondaires, les zones rurales et les petites villes souffrent de la crise. Les jeunes isolés ne peuvent préparer la rentrée ; les agriculteurs se démènent pour nourrir le pays ; le chômage menace ; les élus locaux déploient des solutions de terrain malgré les défis structurels de leurs territoires, parmi lesquels la fracture numérique, les déserts médicaux et le retrait des services publics.
Cette immersion dans la France éloignée des centres de décisions donne la parole aux hôteliers de Lozère, aux employés de lotissements pavillonnaires de la Nièvre, aux ouvriers ruraux de l’Ardèche, aux chômeurs des bassins miniers, aux petits patrons d’Ille-et-Vilaine ou aux fonction-naires de l’Allier. Demain, la France des « invisibles » sera-t-elle enfin prise en compte ? Sera-t-elle au cœur de la relance du pays ?