Fatiha Boudjahlat est professeure d’histoire-géo en réseau d’éducation prioritaire dans l’académie de Toulouse. Pour cette militante laïque au tempérament affirmé, « les actes horribles sont la dernière chose capable de faire réagir les lâches ». L’effroyable décapitation d’un enseignant à Conflans-Sainte-Honorine est un attentat islamiste d’une profonde gravité et qui pourrait susciter une prise de conscience dans la communauté enseignante comme dans le pays. Elle dénonce le substrat culturel qui a rendu possible cet attentat odieux. Elle J’attends des propos forts : « Je n’en peux plus des ‘ oui, mais’. On le constate, ce ‘mais’ est un droit à tuer. »
Les derniers chiffres du ministère indiquent que les atteintes à la laïcité sont aujourd’hui de plus en plus le fait de parents d’élèves…
J’en veux infiniment à ces parents. Je vois déjà les argumentaires qui avancent qu’ils n’ont pas incité à la violence fleurir sur les réseaux sociaux. Mais ils savaient très bien ce qu’ils faisaient, cherchant à entretenir cette idée qu’ils sont à part, qu’ils ne sont pas comme les catholiques, qu’eux croient vraiment. Ce qui me touche, c’est qu’il y a aujourd’hui des enseignants qui ont peur de ne pas être soutenus, et je ne peux pas leur donner totalement tort.
Cet événement va-t-il marquer un tournant dans la culture du corps enseignant ?
Ce qui s’est passé est aussi grave que Charlie ou le Bataclan. On ne cesse de franchir les échelons. Je ne suis pas certaine que les syndicats se montreront courageux, il faudra regarder ce qui se passe dans les jours à venir. Les actes horribles sont la dernière chose capable de faire réagir les lâches. Cette décapitation médiévale à la Daech fait réagir les lâches, prenons-en acte. On a déjà largement perdu la bataille. On voit bien que Jean-Michel Blanquer veut défendre les valeurs de la République, mais qu’il doit d’abord gagner la bataille contre sa propre administration. Il faut que l’indicible se produise – un prof décapité en France – pour que les gens réagissent. Nous le constatons tous les jours, l’orthodoxie religieuse devient la norme et les accommodements ne sont en aucun cas une solution. Plus on sera sympas et accommandants, plus on encouragera l’orthodoxie. Encore une fois, il n’y a que la fermeté qui paye. […]