Henri Leclerc, avocat pénaliste et président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), appelle au sang-froid après les attentats qui ont marqué la France. Extraits de sa tribune dans le JDD.
[…] Alors comment combattre pour que cessent ces crimes? Certes, il faut continuer d’affirmer que, comme le dit la Cour européenne des droits de l’homme, la liberté d’expression vaut aussi pour les idées qui choquent, heurtent ou inquiètent une partie de la population, tout en prenant conscience qu’il faut apprendre à ceux qui en souffrent que ce sont là les principes d’ouverture et de tolérance nécessaires dans une société démocratique. Sans doute faut-il mieux délimiter les frontières de la liberté d’expression en encadrant les réseaux sociaux qui ne peuvent être toujours irresponsables, tout en veillant au respect du droit et des formes qu’a rappelé récemment le Conseil constitutionnel.Comment retrouver l’unité nationale et éviter que des enfants disent qu’ils ‘ne sont pas Charlie’? Samuel Paty, qui leur enseignait les droits de l’homme, faisait courageusement ce qu’il pouvait. Il en est mort. Faut-il pour autant abandonner son combat? Faut-il faire la guerre, comme le préconise Marine Le Pen? Mettre en cause les rayons halal ou kasher, comme le fait Gérald Darmanin? Ressortir des tiroirs la déchéance de nationalité, qui brisa la majorité de gauche de François Hollande et qu’il a dit regretter? Dissoudre des associations en dehors des strictes limites placées dans le Code de la sécurité intérieure au risque de se faire censurer par le Conseil d’Etat?
Ce ne sont pas la vengeance ni la désignation de boucs émissaires qui réussiront à réunir aujourd’hui notre société fracturée. Depuis des décennies, celle-ci est minée par la ségrégation sociale. Où sont passées les ambitions du rapport Borloo, abandonné dans le fossé? Qui oserait nier les discriminations dans certains territoires, et la misère, dont le préambule de la Déclaration universelle demandait que les hommes soient libérés au même titre que de la terreur?