Rachid Benzine, né au Maroc, est islamologue. Il adresse dans le Nouvel Obs, une lettre à son fils « à propos de la France ».
Je sais, mon fils que tu es fâché. Très en colère même. Tu n’as pas besoin de m’expliquer pourquoi, je le sais. Je le vois. Je le vis. […]
On nous a dit qu’on était tous pareils, ceux dont le grand-père s’appelait Clovis comme ceux qui ont le bronzage éternel, ceux qui ont un Dieu et ceux qui n’en ont aucun, ceux d’en haut et ceux d’en bas, ceux qui se lèvent tôt et ceux qui traînent tard, ceux qui sont français de tête et ceux qui le sont de papier. Alors qu’il faut l’être de cœur, un point c’est tout. Mais finalement, la France, c’est un peu comme cet agent immobilier qui te montre un appartement témoin parfait, puis une fois installé, les malfaçons apparaissent. Ses principes, tiens, ils ont souvent trinqué. Elle est devenue sacrément souffreteuse notre France. Enfin, pas elle bien sûr. Mais ceux qui ne portent son nom à leur bouche que pour exclure, diviser, trembler face à l’altérité.
On lit partout que la France est en danger. Que la diversité lui ferait du tort. Et pas qu’un peu. Mais l’histoire de notre civilisation, de notre démocratie, de notre République c’est une histoire d’accueil. A bras ouverts. Pas de repli pleurnichard sur une identité supposée éternelle depuis Obélix. Et peu importe qu’on n’ait pas de récit commun, tant de mémoires se mélangent ici, l’essentiel c’est de mettre en commun nos récits, non ? Au moins essayer. […]