Dans sa chronique pour le JDD, Teresa Cremisi revient sur trois mots dont l’utilisation s’est démultipliée dans le langage courant au point de devenir obsédante : respect, territoire et diversité. Souvent des adjectifs intimidants les accompagnent et des atours philosophiques les camouflent tout en les valorisant. Bref : ce ne sont plus des mots comme les autres, ils ont acquis une épaisseur différente et deviennent l’exact reflet des problèmes de notre temps.
Respect. […] Censé apaiser les tensions entre humains, le respect avait sa place dans les codes de bonne éducation, mais il a muté comme un virus malfaisant : le voilà devenu querelleur et revendicatif ; tout ce qui déplaît est vite qualifié d’irrespectueux. La vie sociale implique des heurts d’opinions et de culture, mais si les contrastes deviennent automatiquement des affronts pour supposé manque de respect, nous allons vivre un cauchemar : une foule d’offensés grincheux campant autour d’un lac d’amertume.
Territoire. Un mot cannibale : par un usage excessif, il a grignoté tous ses semblables. Il a poussé dans leurs retranchements ses cousins : lieu, espace, endroit, terrain, paysage, province, département, région, Etat. Territoire se décline à longueur de journée au propre et au figuré. Il véhicule des enjeux disparates – géographiques, culturels, politiques, biologiques, ethnologiques, douaniers… – et assèche tout sur son passage. […] On pouvait ressentir de l’amour ou de la nostalgie pour un paysage, on n’en aura guère pour un territoire.
Diversité. Champion hors catégorie pour la diffusion dans tous les domaines, ce terme anodin à sa naissance est utilisé à toutes les sauces, des plus fades aux plus corsées. […] Il est toujours présent quand on parle du “vivre-ensemble”, de la lutte à la discrimination, des minorités, étrangers, femmes, enfants, salariés, immigrés, handicapés, homosexuels, vieux, jeunes, présentateurs, lauréats de prix littéraires, acteurs, publicitaires. Les expressions construites autour de ce mot caméléon se sont multipliées : j’ai entendu un grand patron m’expliquer comment il arrivait à “manager la diversité” et tout le monde a compris qu’il est indispensable de “la promouvoir”.
P.-S. Ces mots sont assemblables en liberté dans une conversation contemporaine, exemple : “Le respect de la diversité à l’échelle du territoire…”.