Dans l’ombre de la plus grande mosquée d’Inde, le sang ruisselle dans les caniveaux.
Pour les personnes n’ayant jamais assisté à une saignée des temps modernes, c’est une scène étrange qui se déroule sous leurs yeux. Dans un premier temps, des hommes enveloppent de façon irrégulière les bras et les jambes de patients avec des bandes faisant office de garrots. Cela permet de contrôler l’écoulement du sang. À l’aide de lames de rasoir, ils réalisent ensuite de petites incisions sur les mains et les pieds des malades. Un filet de sang coule dans le caniveau taché de rouge.
Les patients semblent malgré tout heureux. Ils ont payé pour ce service, me direz-vous, espérant se faire soigner de n’importe quelle maladie, de l’arthrose jusqu’au cancer.
Pourquoi font-ils cela ? Comment la pratique de la saignée a-t-elle perduré, alors que de nombreux médecins la considèrent comme du charlatanisme, au même titre que la phrénologie (interprétation des bosses de la tête) ?
L’attrait de la saignée semble résider dans sa logique simple.
Muhammad Gayas mène son activité de saignée dans le jardin de la mosquée Jama Masjid, à New Delhi. Selon lui, les douleurs et la maladie surviennent « lorsque le sang devient impur ». Il s’agit du même principe fondamental vendu au peuple par les saigneurs depuis qu’Hippocrate a recommandé cette pratique afin d’équilibrer les quatre humeurs (le sang, la bile noire, la bile jaune et la glaire) il y a plus de 2 000 ans.
[…]UNE PRATIQUE TOMBÉE EN DÉSUÉTUDE
[…]Pierre Louis, le père des statistiques médicales, commença à convaincre les médecins de s’appuyer sur les preuves statistiques plutôt que sur les « rétablissements » anecdotiques de patients ayant subi une saignée. Une analyse particulièrement impressionnante révéla que la saignée n’avait pas aidé les personnes souffrant de pneumonie en Europe. La pratique finit par tomber en désuétude dans les années 1850, après d’âpres disputes parmi les médecins.
Malgré les objections du monde médical, une étude de l’histoire de la saignée décrit même l’élimination de la pratique comme un triomphe de la raison et « l’un des plus beaux exemples du progrès médical ».
[…]L’article dans son intégralité sur The National Geographic