Face à la situation sanitaire, on reparle d’un nouveau report des élections régionales et départementales, au-delà du mois de juin. En réalité, l’exécutif y pensait depuis un moment, avant même les interrogations des derniers jours. C’est ce qu’a confirmé Jean-Louis Debré, lors d’une audition au Sénat la semaine dernière, le 13 janvier. L’ancien président du Conseil constitutionnel était entendu en vue de l’examen par les sénateurs, le 26 janvier, du projet de loi sur le report des élections régionales et départementales, de mars à juin, en raison de l’épidémie de covid-19.
« Il y avait beaucoup d’arrière-pensées chez les uns et les autres »
On le sait, le gouvernement avait missionné Jean-Louis Debré en octobre pour plancher sur ce report et consulter les forces politiques. Il en est ressorti, lors de la remise de son rapport en novembre 2020, un consensus politique pour le report des régionales en juin. Mais du côté de l’exécutif, on aurait bien vu un report après la présidentielle de 2022. Emmanuel Macron l’avait déjà évoqué en juin dernier, lors d’un déjeuner avec le président des Régions de France, Renaud Muselier, comme l’avait reporté la presse. Mais pas de prise de parole officielle.
En confiant la mission à l’ancien ministre chiraquien, l’Elysée et Matignon avaient visiblement toujours cette idée en tête. C’est Jean-Louis Debré lui-même qui l’affirme. « Lorsqu’on m’a demandé de réfléchir à la tenue des élections départementales et régionales, qui devaient avoir lieu en mars 2021, je me suis assez rapidement rendu compte qu’il y avait beaucoup d’arrière-pensées chez les uns et les autres. Ceux qui étaient à l’origine de cette réflexion avaient un souhait, que j’ai deviné, qui était de reporter ces élections départementales et régionales à beaucoup plus tard, après l’élection présidentielle. D’autres souhaitaient les reporter à une date autour de la rentrée de septembre prochain. Un troisième groupe de personnes était pour les maintiens à la date prévue » relate l’ancien président du Conseil constitutionnel (voir la vidéo), qui a finalement déconseillé l’option d’un report en 2022. « J’ai tout de suite exclu le report des élections départementales et régionales après l’élection présidentielle : on ne peut pas confiner ainsi l’expression de la démocratie sans créer des problèmes politiques insurmontables », a-t-il mis en garde …
Un récit qui ne colle pas tout à fait avec la version officielle. Dans sa lettre de mission datée du 23 octobre, les choses étaient plus ouvertes. « Compte tenu du contexte épidémiologique, […] le gouvernement a été saisi de propositions visant à reporter à une date ultérieure ces échéances prévues au mois de mars », dit la lettre à en-tête du premier ministre Jean Castex. Jean-Louis Debré avait « la mission d’étudier » le « report éventuel à une échéance à définir » précise le courrier. « Une telle décision mérite d’être concertée, éclairée et réfléchie » disait encore la lettre. L’exécutif s’est finalement rangé à l’option qui faisait consensus, à savoir juin.
Mais cette volonté première de reporter le scrutin à 2022 sera évidemment regardée de manière suspecte. Elle n’aurait pas arrangé les affaires d’une série de potentiels concurrents d’Emmanuel Macron pour 2022, à commencer par le président (ex-LR) des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ou encore celle de l’Ile-de-France, Valérie Pécresse, ou même Laurent Wauquiez, en Auvergne Rhône-Alpes. Certains seront tentés d’y voir une tentative de manœuvre ou de tripatouillage politique. Si tel était bien le cas, le covid-19 pourrait simplifier les choses et se charger de faire le travail…