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À Marseille, la communauté musulmane représente environ un tiers des habitants et est tissée de multiples origines. Cette diversité ne va pas sans divergences de vues, voire de franches stigmatisations. L’islam, pourquoi c’est compliqué.

« Jai été reçu au Vatican, je suis allé à Jérusalem, mais cette mosquée-là, je n’y suis jamais entré », soupire le mufti Mohamed Kassim. La mosquée en question se trouve à cinquante mètres à peine de son domicile, au cœur du 3e arrondissement de Marseille, le plus pauvre de la ville.

Mais, assis derrière son bureau, le guide spirituel des Comoriens de France agite son doigt en signe de dénégation. S’il n’a jamais fréquenté cette salle de prière, c’est pour deux raisons : l’endroit a, par le passé, été suspecté de diffuser des prêches salafistes, et son imam est d’origine maghrébine.

En attendant que soit livrée la mosquée dont il pilote la construction, il fait donc plusieurs kilomètres pour rallier les salles de prière comoriennes dans les quartiers Nord, au Plan d’Aou ou à la Busserine. Les 80 000 Comoriens de Marseille sont comme lui : ils préfèrent prier entre eux.

La communauté musulmane représenterait un tiers des Marseillais

Dans ce port multiculturel dont l’histoire s’est bâtie au fil des migrations, la communauté musulmane représenterait environ un tiers des Marseillais : entre 250 000 et 300 000 des 860 000 habitants. Une famille unie ? « Pas tout le temps », avoue l’imam Abdessalem Souiki, d’origine algérienne.

Sur les 70 salles de prières recensées, la majorité reçoit la population originaire du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie), environ une vingtaine sont comoriennes, trois ou quatre accueillent les musulmans issus de l’immigration de l’Afrique de l’Ouest. « Nous sommes essentiellement sunnites. Mais cela n’empêche pas les dissensions », constate l’imam….

Au-delà des crispations politiques reste une stigmatisation, prégnante, à l’égard des musulmans d’origine africaine, en raison de leur couleur de peau, et « qui ne passe pas », affirme le mufti Kassim. Le racisme intracommunautaire existe.

« Chez les anciens, les chibanis, il peut être vif », admet Abdessalem Souiki. « Il y a quelques années, j’ai cherché à réconcilier un couple d’un certain âge. La mère avait accepté que sa fille épouse un Comorien. Pour le père, un Algérien d’origine et très pratiquant, cela n’était pas possible. Cela a fini par un divorce, raconte-t-il. Dans la tête du père, un Comorien est forcément polygame ; il imaginait sa fille avec des coépouses. »

Nassurdine Haidari confirme : « C’est tabou de le dire, mais être noir en islam c’est compliqué. » Il en veut pour preuve « une jurisprudence musulmane qui n’a pas encore réglé la question de l’esclavage. Ce qui fait que la pratique n’a pas encore disparu dans l’inconscient collectif ». Comme d’autres, il entend les mots blessants : oussif (esclave), kahlouche (nègre)…

La Croix

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