Editorial du Monde sur les places qui vont être réservées aux candidats issus de “milieux modestes” dans les concours de la haute fonction publique.
[…] Il aura fallu deux décennies pour accomplir ce pas de fourmi, alors même que les fractures sociales, scolaires, territoriales n’ont cessé de se creuser en France. Le constat est malheureusement limpide : en matière de diversité sociale dans les formations menant aux postes de responsabilité, le pays fait du surplace. […]Le dispositif annoncé jeudi par le président de la République consiste à créer des concours « talents » spécifiquement réservés à des étudiants choisis sur critères non seulement académiques mais sociaux et territoriaux. Ils seront dotés au maximum de 15 % des places ouvertes aux concours externes de cinq écoles de la haute fonction publique. Des classes préparatoires et des aides consacrées à ce public seront multipliées. A l’ENA, six places seront ainsi « fléchées » en 2021 au bénéfice de jeunes de milieu populaire. […]
Soucieux de ne pas être accusé d’introduire une « discrimination positive » et une rupture d’égalité, l’Elysée précise que les épreuves seront les mêmes que celles passées par les autres étudiants et que les places « talents » viennent en supplément […]
« Nous avons construit notre propre séparatisme », déplorait à juste titre Emmanuel Macron dans son discours des Mureaux (Yvelines) du 2 octobre 2020, appelant à «réveiller» une République capable de tenir «ses promesses d’émancipation». Le diagnostic est juste. Mais le pays ne peut plus se contenter de beaux discours et de mesures symboliques. Le président, s’il veut réellement équilibrer les mesures répressives contenues dans le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » par des mesures de justice sociale, doit s’attaquer dans tous les domaines – logement, école, emploi – aux différentes formes, structurelles ou inconscientes, de l’entre-soi. Aggravées par l’enfermement que génèrent les réseaux sociaux, elles minent la République et la menace.