L’Afrique n’est pas une exception. De tout temps, les changements de toponymie ont été des marqueurs de l’histoire, souvent pour la gloire des vainqueurs, avec la volonté de tourner la page d’un passé fréquemment honni. L’exemple de l’Afrique du Sud, qui vient d’entériner le remplacement du nom de la ville de Port Elizabeth, illustre la volonté d’effacer le passé colonial du pays. Celle-ci portait en effet le nom de l’épouse du gouverneur du Cap, Sir Rufane Donkin, “fondateur” de la ville en 1820, à l’arrivée de quelques 4 000 migrants britanniques.
Les initiateurs de ce changement de toponymie le revendiquent. Rebaptiser la ville est une manière d’inscrire le peuple noir dans l’histoire du pays et de rendre leur dignité aux communautés noires. Port Elizabeth s’appelle désormais Gqeberha qui est le nom, en langue Xhosa, de la rivière qui traverse la ville, la Baakens River. Mais c’est aussi et surtout le nom d’un de ses plus vieux Townships.
[…]Ces changements de nom se font tardivement en Afrique du Sud, contrairement au reste du continent, parce que quoiqu’indépendante depuis 1910, elle est restée contrôlée par les Blancs descendants des colonisateurs. Il faudra attendre la fin de l’apartheid en 1991 et l’élection de Nelson Mandela à la tête du pays en 1994 pour que la population indigène se réapproprie son territoire.
Pour les mêmes raisons, la Rhodésie du Sud ne deviendra le Zimbabwe qu’en 1980, quinze ans après l’indépendance, lorsque le pouvoir blanc des anciens colons cédera la place à Robert Mugabe.
Quant au Swaziland, il ne deviendra eSwatini qu’en 2018, lorsque son fantasque monarque, Mswati III, décidera d’effacer la relation coloniale renommant “le pays des Swatis” dans sa propre langue.
Une période postcoloniale très agitée explique aussi les changements de nom à répétition de certains Etats.
Ainsi, à l’indépendance en 1960, Léopoldville capitale du Congo est devenue Kinshasa, faisant disparaître ainsi le nom du roi belge à la politique coloniale particulièrement décriée. En 1965, le maréchal Mobutu lance la politique de “zaïrisation” du pays. En clair, il s’agit d’effacer toutes traces de la colonisation et de revenir à une authenticité africaine des patronymes et toponymes.
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