D’un côté, Marie-Astrid de Villenfagne, médecin-urgentiste. De l’autre, son mari, Yvan de Beauffort, administrateur aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Ils publient un livre écrit à quatre mains intitulé “Urgences attentats”, édité par La Marque Belge. C’est une plongée dans le 22 mars 2016, cette journée qui a tragiquement marqué l’histoire du pays. Cela fera bientôt cinq ans que les attentats commandités par le groupe terroriste Etat islamique ont frappé Bruxelles, faisant 32 morts et plus de 300 blessés.
Le livre ne s’arrête pas qu’au 22 mars, il raconte, dans le détail, les jours précédents, Marie-Astrid de Villenfagne ayant été appelée sur les lieux de l’arrestation de Salah Abdeslam, à Molenbeek, le vendredi 18 mars. (…)
Le 18 mars 2016, une opération menée par les forces spéciales va conduire à l’arrestation de Salah Abdeslam (Target One), le terroriste le plus recherché d’Europe. Marie-Astrid de Villenfagne apprend 30 minutes avant son départ qu’elle doit se rendre sur place pour mettre en place un poste médical. (…)
Nous filons vers la planque de “Target One”. Sans sirène, mais pas “discrètement”: le cortège des forces de l’ordre est imposant. Quand nous arrivons, de nombreux journalistes sont déjà présents et ont ajusté les paraboles de leurs véhicules en direction des satellites de communication. La population a-t-elle été avertie ? A-t-elle deviné ? Elle se terre, silencieuse, mais nous sentons d’innombrables caméras de téléphone pointées sur nous. Une atmosphère délétère, hostile. Indescriptible. Peut-être un préjugé. Qui sera malheureusement balayé quand des jeunes jetteront plus tard des projectiles sur notre véhicule. (…)
Target One” est touché à la jambe.([…) “Target One” est rapidement embarqué par la Sûreté de l’Etat. Je m’occupe de “Target Two”, Ahmed Choukri, lui aussi blessé à la jambe. Sa première réaction m’énerve : “La femme, là, elle me touche pas !” Je hausse les épaules et mes yeux filent au ciel. Qu’est-ce qu’il espère de sa réplique débile ? Je le trouve “petit”, décevant même. Et dire que ce sont eux que l’Europe recherche depuis quatre mois ? (…) Ma réponse fuse, sèche : “La femme, c’est le docteur. Je suis là pour vous soigner.” Étonné par ma voix calme mais autoritaire, il se laisse faire. Mes automatismes médicaux s’enclenchent.
Je sais que, tout terroristes qu’ils sont, ils seront pris en charge. Professionnellement. Mais il ne faudrait pas que nos blessés VIP, soignés “aux petits oignons”, puissent s’échapper à l’aide de complices ou qu’ils soient la cible de la vindicte populaire. (…) Plus tard, certains me demanderont cyniquement : “J’espère qu’il a été opéré sans anesthésie ?”
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