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Les partisans de l’euthanasie se gargarisent de mots dont ils dévoient la signification à un point tel qu’ils ne devraient même plus avoir le droit de les prononcer. Dans le cas de la «compassion», le mensonge est palpable. En ce qui concerne la «dignité», c’est plus insidieux. Nous nous sommes sérieusement écartés de la définition kantienne de la dignité en substituant peu à peu l’être physique à l’être moral (en niant la notion même d’être moral ?), en substituant à la capacité proprement humaine d’agir par obéissance à l’impératif catégorique la conception, plus animale et plus plate, d’état de santé, devenu une sorte de condition de possibilité de la dignité humaine, jusqu’à représenter finalement son seul sens véritable.
Bon, et alors? Si c’est ça, la dignité, on peut très bien vivre sans ; on s’en passe. Par contre, on a tous plus ou moins besoin de se sentir nécessaires ou aimés ; à défaut estimés — voire admirés, dans mon cas c’est possible. Ça aussi, c’est vrai, on peut le perdre ; mais, là, on n’y peut pas grand-chose ; les autres jouent à cet égard un rôle tout à fait déterminant. Et je me vois très bien demander à mourir juste dans l’espoir qu’on me réponde: « Mais non mais non, reste avec nous » ; ce serait tout à fait dans mon style. Et en plus j’avoue cela sans la moindre honte. La conclusion, j’en ai peur, s’impose: je suis un être humain absolument dépourvu de toute dignité.
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Demeurent les médecins, en qui j’avais fondé peu d’espérance, sans doute parce que je les connaissais mal, mais il est indéniable que certains d’entre eux résistent, se refusent obstinément à donner la mort à leurs patients, et qu’ils resteront peut-être l’ultime barrière. Je ne sais pas d’où ça leur vient, ce courage, c’est peut-être juste le respect du serment d’Hippocrate: «Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion». C’est possible ; ça a dû être un moment important, dans leurs vies, la prononciation publique de ce serment. En tout cas c’est beau, ce combat, même si on a l’impression que c’est un combat «pour l’honneur». Ce ne serait d’ailleurs pas exactement rien, l’honneur d’une civilisation ; mais c’est bien autre chose qui est en jeu, sur le plan anthropologique c’est une question de vie ou de mort. Je vais, là, devoir être très explicite: lorsqu’un pays – une société, une civilisation – en vient à légaliser l’euthanasie, il perd à mes yeux tout droit au respect. Il devient dès lors non seulement légitime, mais souhaitable, de le détruire ; afin qu’autre chose — un autre pays, une autre société, une autre civilisation — ait une chance d’advenir.