Le regard vide d’Idjélé est comme figé en direction de l’horizon. Comme un robot, elle frappe avec un lourd marteau un petit morceau de béton qu’elle tient de l’autre main. Un miracle qu’elle ne se blesse pas. Ou le résultat d’une terrible routine…
Au cœur de N’Djamena, la capitale du Tchad, des dizaines de femmes concassent 12 heures par jour, par 45 degrés de chaleur, des blocs de béton, de ciment ou de briques. Elles sont entourées d’une nuée d’enfants dépenaillés et squelettiques, le long d’une route et sur un terrain vague sans ombre, au pied des bâtiments modernes de la Cité internationale des affaires.
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Idjélé concasse comme une machine. Sa tante de 80 ans derrière elle a cessé depuis qu’elle est devenue aveugle et lui tient compagnie en lui servant le thé.”J’ai six enfants de 2 à 13 ans et je fais ça depuis que mon mari est mort”, il y a trois ans, souffle-t-elle en soulevant sa lourde massette. Ses plus grands enfants travaillent avec elle.
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“Libres ?”, s’étrangle Thérèse Mékombé, présidente de l’Association des Femmes Juristes du Tchad, déplorant que ni l’Etat, ni l’ONU ni aucune ONG ne s’intéresse à leur sort.“
C’est pire que l’Enfer pour elles, cette liberté c’est une illusion, la satisfaction d’une mère de pouvoir nourrir ses enfants, mais au prix de quelles souffrances ?”, dénonce-t-elle.