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De plus en plus de Français disent avoir le sentiment de n’appartenir à aucune communauté. Or c’est précisément ce manque de régulation sociale, l’anomie décrite par Durkheim comme une des raisons du suicide, qui mène à un désengagement de la vie en société et à une abstention record, explique l’économiste Daniel Cohen.

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En creusant la question, le Cevipof fait toutefois apparaître une autre réalité que celle d’une France éclatée en idéologies ou en communautés rivales. Une part grandissante de la population est surtout gagnée par « l’anomie sociale », ce sentiment d’avoir perdu son appartenance à la société, de ne plus comprendre le rôle qu’on y joue, dont Durkheim faisait l’une des clés de son analyse du suicide et qui donne aussi une piste pour comprendre l’abstentionnisme. Le Cevipof a interrogé les Français sur leurs liens sociaux, pris dans un sens très large. « Avez-vous le sentiment d’appartenir avant tout à la communauté nationale, à une communauté de personnes qui partagent vos valeurs (religieuses ou autres), à une communauté de personnes qui parlent la même langue ou qui ont les mêmes origines géographiques que vous, à une communauté de personnes qui partagent les mêmes goûts, le même mode de vie, ou avez-vous le sentiment de n’appartenir à aucune communauté ? ». Malgré l’éventail très ouvert de réponses proposées, 45 % des Français disent n’appartenir à aucune communauté. Ce groupe « anomique » est écrasant dans les classes populaires, où les personnes interrogées sont 65 % à ne déclarer aucune appartenance, alors qu’il tombe à 25 % dans les classes supérieures. Ce sont, sans surprise, les électeurs du mal nommé Rassemblement national qui sont les plus « anomiques », à 54 %, alors que ceux de La France insoumise sont au même étiage que les électeurs de LREM, à 34 %. La droite extrême joue un rôle de catalyseur qui a été comparé à celui de la gauche radicale dans les années 1960. Hier on voulait sortir d’une société étouffante, aujourd’hui c’est le manque de lien social qui est en jeu, mais dans les deux cas, il s’agit bien d’offrir un nouvel imaginaire à une société qui ne s’aime plus. Celle ou celui qui saura le dessiner gagnera l’élection. Les sorties de crise peuvent être propices aux remises en question, pourvu qu’on pose les bonnes.

L’Obs


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