«Je vois la société se racialiser progressivement», s’est alarmé Emmanuel Macron dans une interview au magazine Elle , en estimant que «la logique intersectionnelle fracture tout» car elle «renvoie chacun à son identité».
«Je suis du côté universaliste. Je ne me reconnais pas dans un combat qui renvoie chacun à son identité ou son particularisme», ajoute le chef de l’État, en évoquant cette approche qui dénonce le cumul des discriminations lorsque l’on fait partie de plusieurs minorités. Pour lui, «les difficultés sociales ne sont pas uniquement structurées par le genre et par la couleur de peau, mais aussi par l’inégalité sociale».
«Je pourrais vous présenter des jeunes hommes blancs qui s’appellent Kévin, habitent Amiens ou Saint-Quentin, et qui ont aussi d’immenses difficultés, pour des raisons différentes, à trouver un job», répond-il au témoignage de la réalisatrice Amandine Gay sur les difficultés d’être femme et noire.
Il se dit une nouvelle fois hostile, comme son ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, au crop top à l’école. «À l’école, je suis plutôt “tenue décente exigée“, aussi bien pour les filles que pour les garçons. Tout ce qui vous renvoie à une identité, une volonté de choquer ou d’exister n’a pas sa place à l’école. On peut tenir compte de la part de fantaisie d’un ado et tenir bon sur certains principes.»
ELLE. Universaliste ou intersectionnel, comment définissez-vous votre féminisme ?
Emmanuel Macron. Mon féminisme est un humanisme, c’est une question de dignité des citoyens et citoyennes. Je suis du côté universaliste. Je ne me reconnais pas dans un combat qui renvoie chacun à son identité ou son particularisme.
ELLE. La réalisatrice afro-féministe Amandine Gay explique pourtant : « Je suis noire et femme, si je l’oublie je deviens juste humaine, mais cela ne m’empêche pas d’avoir des difficultés à trouver un logement et un emploi »…
E.M. Les difficultés structurent une vie, mais ne constituent pas ce qui vous identifie. Je pourrais vous présenter des jeunes hommes blancs qui s’appellent Kévin, habitent Amiens ou Saint-Quentin, et qui ont aussi d’immenses difficultés, pour des raisons différentes, à trouver un job. Les difficultés sociales ne sont pas uniquement structurées par le genre et par la couleur de peau, mais aussi par l’inégalité sociale, l’assignation à résidence éducative, entre autres. S’attaquer à ces problèmes est une nécessité. J’essaie de le faire avec détermination et modestie parce que nous ne sommes pas au bout de ce chemin.
ELLE. Oui, mais ce qu’Amandine Gay dit, c’est qu’elle est d’abord femme et noire, et que cela a des conséquences dans le réel…
E.M. Toute la question est de savoir si cette différence est indépassable. Je vois la société se racialiser progressivement. On s’était affranchis de cette approche et voilà que l’on réessentialise les gens par la race, et ce faisant on les assigne totalement à résidence. On ne naît pas citoyen ou citoyenne, on le devient. Cette question est au cœur du débat démocratique. Or, la logique intersectionnelle fracture tout. L’illégitimité de quelqu’un qui est autre que moi à me représenter, moi et ma sous-catégorie, que l’on peut décomposer en autant de sous-genres, c’est la négation de quelque chose d’universel dans l’aventure républicaine, nationale et humaine. Cela n’empêche pas la reconnaissance, y compris de la part d’irréductible qui participe de votre identité propre. Mais ce qui m’importe le plus, c’est la part de commun que j’ai avec vous. Et les combats que je vais mener en votre nom pour vous permettre d’accéder à une dignité égale à celle de votre voisin. C’est précisément ce qui nous permet de vivre ensemble.
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