L’ONG Médecins du Monde (MDM) a condamné mercredi le principe d’un pass sanitaire en France qu’elle juge “discriminatoire“, appelant à un accès “sans entraves” des personnes les plus précaires à la vaccination.
Dans un communiqué, MDM se prononce “contre le pass sanitaire tant que chacun n’aura pas un accès effectif à la vaccination“.
Sur le fond du projet de loi, sur lequel le Conseil constitutionnel doit se prononcer jeudi, Médecins du Monde estime que le pass sanitaire est une “obligation vaccinale déguisée, discriminant les non vaccinés“.
“Médecins du Monde refuse toute forme d’opposition et d’inégalité de droits entre personnes vaccinées et non vaccinées, toute forme d’obligation de contrôle par les employeurs, toute entrave à la circulation des personnes ou à leur accès aux lieux de soins, administratifs, ou de culture“, insiste sa présidente, Carine Rolland, médecin généraliste de profession.
L’organisation de solidarité médicale cite le cas des personnes “exclues du soin” ou faisant face à la “fracture numérique ou aux barrières administratives“, notamment les personnes sans domicile fixe, migrantes, travailleuses du sexe ou mineures non accompagnées.
MDM se dit inquiète d’un “risque de glissement vers des pratiques de surveillance sociale généralisée”
Le gouvernement a demandé mardi aux préfets et directeurs généraux d’ARS d’accélérer sa politique du “aller vers” pour la vaccination des demandeurs d’asile et réfugiés précaires, réitérant son objectif fixé le 5 juillet de tous les vacciner “d’ici fin août“.
Citant la position à ce sujet de la Défenseuse des droits, MDM se dit également inquiète d’un “risque de glissement vers des pratiques de surveillance sociale généralisée“.
Le projet de loi anti-Covid, qui a été adopté définitivement le 25 juillet par le Parlement, rend obligatoire la vaccination des personnels des hôpitaux, cliniques, Ehpad et maisons de retraite, des sapeurs-pompiers, de certains militaires, ainsi que des professionnels et bénévoles auprès des personnes âgées, y compris à domicile.
Une extension du pass sanitaire y est également prévue pour le 9 août. Il est déjà appliqué dans les lieux culturels et de loisirs depuis le 21 juillet.
Le 04 Août 2021,
CONTRE LE PASS SANITAIRE TANT QUE CHACUN N’AURA PAS UN ACCÈS EFFECTIF À LA VACCINATION
Les populations accompagnées par Médecins du Monde en France sont parmi les plus exclues et les plus précarisées car elles sont sans domicile fixe, migrantes, travailleuses du sexe, mineurs non accompagnés… Elles sont éloignées des structures de soins et subissent des obstacles majeurs à leur accès aux droits et aux soins : 70 % n’avaient pas de couverture maladie en 2020 et 91% vivaient en habitat précaire.
Médecins du Monde est favorable à la vaccination de toutes et tous et réclame un accès rapide, sans entrave, pour toutes les personnes présentes sur le territoire national, y compris un accès à une information juste et complète. Tant que la vaccination ne sera pas effective pour tous, le pass sanitaire ne peut être une solution envisageable.
Ces populations, vivant souvent en campements régulièrement expulsés, en squats, ou en habitats surpeuplés, sont plus exposées au virus. En raison de leurs conditions de vies précaires, faisant face à la fracture numérique ou aux barrières administratives, elles ont un accès aux masques, aux tests de dépistage, aux simples mesures barrières et à la vaccination, fortement entravé.
Médecins du Monde demande que des créneaux sans rendez-vous soient ouverts partout en France, que les démarches d’aller vers soient grandement intensifiées et coordonnées, qu’une information éclairée en présence d’interprètes professionnels soit délivrée aux personnes, sans contrôle de leur statut administratif.
Lutter contre la propagation de ce virus nécessite que l’ensemble des personnes présentes sur le territoire puisse accéder très rapidement à la vaccination. Médecins du Monde demande une politique de vaccination volontariste en France qui tienne compte des difficultés d’accès aux soins, avec des moyens humains pour aller vers les populations à risques ou éloignées du soin, permettant à tous ceux et celles qui le souhaitent de se faire vacciner.
Chaque personne doit pouvoir être actrice de sa propre santé et prendre ses décisions de manière éclairée, en confiance et sans contrainte.
« Médecins du Monde refuse toute forme d’opposition et d’inégalité de droits entre personnes vaccinées et non vaccinées, toute forme d’obligation de contrôle par les employeurs, toute entrave à la circulation des personnes ou à leur accès aux lieux de soins, administratifs, ou de culture », insiste Carine Rolland, présidente de Médecins du Monde.
Médecins du Monde réclame l’inconditionnalité de l’accès aux soins qui doit être un droit pour toutes et tous. C’est aussi un enjeu majeur de santé individuelle et collective. Cette inconditionnalité est pratiquée dans tous nos dispositifs de soins et continuera à être appliquée sans restriction.
Médecins du Monde est fermement opposé à la mise en place du pass sanitaire tel qu’elle est prévue dans la loi, et rejoint la Défenseuse des droits qui dans son avis du 20 juillet 2021, alerte sur « le risque de glissement vers des pratiques de surveillance sociale généralisée, auquel pourrait contribuer ce projet de loi ».
Médecins du Monde refuse que les soignants, qui après avoir été applaudis soient ainsi stigmatisés. Il est important de rappeler que malgré les fermetures de lits et l’austérité appliquée à l’hôpital public, le dévouement des soignants a permis que le système de soin n’implose pas.
L’obligation vaccinale doit s’appliquer à tout le monde ou à personne. Le pass sanitaire est une obligation vaccinale déguisée, discriminant les non vaccinés. Les publics accompagnés par Médecins du Monde, depuis longtemps exclus du soin, vont subir de plein fouet ces mesures discriminatoires si elles sont appliquées.
Il faut également souligner encore et toujours que la réponse à cette pandémie doit être mondiale. Or nous constatons des difficultés d’accès majeures à la vaccination dans les différents pays d’intervention (fin juillet, 71 % des adultes de l’Union européenne (UE) avaient reçu au moins une dose, contre seulement 3 % de la population adulte africaine).
Pour répondre à cette pandémie, il faut donc augmenter les capacités de productions mondiales et s’assurer que le vaccin devienne réellement un « bien public mondial ». Concrètement, cela implique de renforcer les capacités de productions au niveau mondial, de lever les barrières associées à la propriété intellectuelle, de favoriser les transferts de technologies…
Il s’agit aussi de renforcer les dons de doses, d’amener les industriels à y contribuer et d’assurer une fixation des prix de vaccins juste et transparente. L’argent public mobilisé pour le développement des vaccins à l’échelle mondiale doit favoriser l’accessibilité de toutes et tous à la vaccination. Médecins du Monde condamne la décision de l’Union Européenne d’accepter des prix plus élevés pour les vaccins Pfizer et Moderna, cette décision étant incompréhensible.