« Bienvenue chez Satan ! », lance le chauffeur de la clinique mobile en s’engouffrant dans l’ancien cimetière de Kasa-Vubu. En cette soirée pluvieuse comme Kinshasa en connaît pendant la mousson, un silence sépulcral plane sur le terrain désaffecté. Georges Kabongo et son équipe d’éducateurs s’affairent avant l’arrivée de ceux qui se surnomment « les vampires ». Soudain, leurs silhouettes surgissent de l’obscurité. Par petits groupes, ils s’élancent, gamelles à la main. Au menu ce soir : riz, haricots rouges et poisson. Trois soirs par semaine, ces gamins des rues sont assurés d’un repas complet gratuit.
Nouvelle venue, Elena*, 15 ans, dépasse d’une tête les autres enfants agglutinés devant la clinique mobile. Son récit concentre l’enfer quotidien vécu par les filles de la rue. « Je suis ici car sur l’ancien site, une nuit, un garçon m’a droguée et violée. Il faisait partie des vampires », confie-t-elle en récupérant son repas. Comme beaucoup de victimes, elle n’a pas dénoncé son agresseur à la police. Car parler, c’est s’exposer aux représailles de la bande.
Dans ces gangs, les violences sexuelles sont perçues comme un baptême d’intégration ou une punition. « Les filles qui ne respectent pas les règles sont violées par les garçons du groupe, puis rasées et chassées », explique Georges Kabongo, dont l’association, l’Œuvre de reclassement et de protection des enfants de la rue (Orper), appartient au Réseau des éducateurs des enfants et jeunes de la rue (Reejer), une plateforme qui regroupe une centaine d’ONG travaillant pour la protection des jeunes en République démocratique du Congo (RDC).
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