Ce 26 août, le diocèse de La Rochelle commémore le calvaire de 829 prêtres réfractaires condamnés en 1792 à la déportation en Guyane. Le blocus anglais des côtes françaises empêcha la déportation, mais n’empêcha pas le martyre atroce des malheureux, dont les deux tiers périrent sur l’île Madame (Charente-Maritime). Sur les 829 malheureux qui ont transité par les pontons de Rochefort, 547 ont péri.
Depuis le 27 mai de cette année 1792, la loi condamne à l’exil tout ecclésiastique qui refuse de prêter le serment constitutionnel le transformant en fonctionnaire, serment que Rome estime schismatique. Chassés de leurs presbytères, interdits de séjour sur le territoire de leur ancienne paroisse, privés d’émoluments, ces hommes, obligés de regagner leurs départements d’origine où ils vivent en résidence surveillée, doivent désormais quitter le territoire national sous un mois. Seuls sont exemptés de ces mesures les prêtres âgés de soixante ans et plus, c’est-à-dire les vieillards, les malades et les infirmes.
Beaucoup, déjà, ont pris le chemin de l’exil ; d’autres, nombreux aussi, jeunes en général, choisissent, tout en sachant risquer leur tête, de passer dans la clandestinité afin d’assurer la messe et les sacrements aux fidèles. Les autres sont estimés à 50.000. La plupart choisissent de partir, mais n’atteignent pas toujours la frontière, ordre ayant été donné en sous-main aux municipalités de les intercepter et les mettre à mort, « accidents » fréquents portés au compte du zèle de quelques bons patriotes. Cela ne suffit pas encore à « purger la nation » de ces « restes du fanatisme ». Les récalcitrants iront donc en Guyane, bagne infernal où l’espérance de vie n’excède pas six mois. […]
L’embarquement vers le bagne doit suivre mais, très vite, il s’avère impossible, car la flotte anglaise bloque l’accès à l’océan, tandis que les prêtres continuent d’affluer de partout. On décide de les entasser sur un vieux trois ponts, le Bonhomme Richard, navire négrier hors d’état de naviguer, qui servait d’hôpital pour les soldats galeux de la garnison. […]
On tue lentement, par principe, en mettant aux fers, des semaines entières, des hommes épuisés qui ne résistent pas au traitement. Tout est punissable : s’être plaint d’avoir trouvé des vers dans la nourriture, avoir réclamé à boire alors que l’on claque de fièvre, n’avoir pas obéi assez vite à un ordre ou l’avoir mal accompli, quand même on ne tiendrait plus debout, avoir cité la parole divine, bannie de cet enfer carcéral, adressé une pétition au district de Rochefort réclamant une amélioration des conditions de détention… Avariée, la nourriture parcimonieuse, répugnante, et l’eau croupie, provoquent des dysenteries, qui tuent, elles aussi, tandis que les malades sont laissés à fond de cale dans leurs déjections qui achèvent de contaminer l’air, et leurs codétenus. […]