Extraits de l’éditorial du Monde sur l’entrée au Panthéon de l’artiste et résistante franco-américaine Joséphine Baker.
Peu de personnalités incarnent aussi brillamment, aussi simplement, que Joséphine Baker, les valeurs que la France républicaine entend porter. En quittant, en 1925, à l’âge de 19 ans, sa ville natale de Saint-Louis (Missouri) pour Paris, la fille d’une blanchisseuse et d’un père inconnu fuit la ségrégation raciale et la pauvreté pour le pays de l’égalité. […]
En décidant de faire entrer au Panthéon, le 30 novembre, cette Américaine qui avait choisi la France, cette femme noire – la première à être admise dans le mausolée républicain – au courage exemplaire et aux engagements constants, cette danseuse infatigable et solaire, Emmanuel Macron opère un choix à la fois judicieux, stratégique et lourd de sens. A l’approche de l’élection présidentielle, le « coup » politique est évident : adresser au pays tiraillé par les divisions et éreinté par la crise sanitaire, un message d’unité, de fierté et d’ambition. […]
Alors que les questions identitaires et migratoires ne cessent de s’inviter dans le débat public, le président de la République se place sous les auspices d’une figure exemplaire, incontestable, imperméable à toute controverse. Une icône dont le parcours appartient au passé, mais personnifie des messages très actuels : la force et le rayonnement que donnent à la France l’accueil des étrangers et la défense des droits humains ; l’universalisme des valeurs issues de la Révolution française ; la dialectique des droits et des devoirs : devenue française en 1937, Joséphine Baker a souvent exprimé sa reconnaissance au pays qui lui avait ouvert les bras et elle s’est engagée dans la France libre dès 1940, travaillant pour les services secrets, notamment en transmettant des documents lors de ses tournées en Afrique du Nord et dans le Levant. […]
Bienvenue, la panthéonisation de Joséphine Baker redit la puissance des idéaux que porte la France. Mais elle ne sera qu’un simple geste électoral si la cérémonie n’est pas accompagnée d’actes destinés à faire vivre concrètement une promesse républicaine trop souvent trahie par les inégalités sociales et géographiques et les discriminations. Au-delà des beaux discours, il reste à la France à retenir les leçons des engagements de la grande danseuse et à honorer son message en s’ouvrant résolument à la diversité pour donner sa chance à chacun, quelle que soit la couleur de sa peau.