Pour Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony, auteures de La Terre plate. Généalogie d’une idée fausse (Belles lettres, 2021), le mythe de la Terre plate en cache un autre, beaucoup moins discuté et pourtant tout aussi puissant : le mythe de la croyance médiévale en la Terre plate. En effet, contrairement à ce que beaucoup d’entre nous croient, du fait d’un enseignement scolaire daté et d’une recherche parfois paresseuse, les hommes du Moyen Âge, hormis de manière très marginale, savaient parfaitement que la Terre était sphérique : « Or non seulement l’idée que le Moyen Âge croyait que la Terre était plate est historiquement fausse, mais elle relève d’une manipulation de l’histoire des sciences, et surtout des consciences, et participe d’une vision pauvrement linéaire et téléologique du développement des civilisations, issue du positivisme et de l’idée de progrès défendue depuis le XVIIIe et surtout le XIXe siècle. »
La croyance médiévale en la Terre plate ne reflèterait donc en rien la réalité scientifique de cette période, mais serait une construction pure et simple de la modernité philosophique dans le but d’asseoir sa domination intellectuelle. « C’est principalement au XIXe siècle que s’est répandue et fortement enracinée l’idée d’une croyance des hommes du Moyen Âge en une Terre plate. La légende, cependant, est plus ancienne et apparaît timidement au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle, en particulier avec Voltaire », soulignent les auteures.
[…]Ces différents exemples prouvent que la sphéricité de la Terre était parfaitement admise au Moyen Âge et qu’il n’y avait pas d’opposition radicale entre la croyance religieuse et l’avancement de la science, bien plutôt des tentatives de réconciliation.
Les auteures montrent en revanche que c’est plus tard que les tensions entre science et religion s’exacerbent : « C’est d’ailleurs dans l’Europe moderne, et pas dans celle du Moyen Âge, que l’on brûle « sorciers » et surtout « sorcières ». Ce n’est pas une Église de type médiéval qui a condamné Galilée et les thèses coperniciennes, mais précisément l’Église du début du XVIIe siècle, celle de l’âge de Descartes, utilisant une nouvelle vision littéraliste des Écritures. »
S’il y a donc eu une période « obscurantiste » de l’Église romaine, elle ne coïncide pas avec le Moyen Âge mais avec un moment paradoxal de la modernité. […]
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