A l’orée de la campagne électorale, cent journalistes du « Monde », accompagnés par cent photographes, ont donné la parole à nos concitoyens, afin de raconter leurs doutes, leurs rêves, leurs peurs. Dans son éditorial, Jérôme Fenoglio, Directeur du « Monde », dresse les 3 principaux constats concernant l’état de la France.
Que nous disent donc ces cent « Fragments de France », à paraître au cours des deux semaines qui viennent sur notre site ?
Que si l’on veut bien s’éloigner des plateaux télévisés et des chaînes d’opinion, si l’on veut bien laisser les sondages et les réseaux sociaux à leur place, si l’on veut bien ouvrir les yeux, la société française paraît infiniment plus complexe, plus composite, plus riche que le portrait qui nous en est habituellement dressé. Trois constats principaux en ressortent. […]
D’abord celui-ci : le scénario de la guerre civile est faux. Tout comme celui d’un effondrement de la nation ou d’une dislocation de la société française. Notre pays n’est pas la caricature à laquelle veulent faire croire les prophètes et les entrepreneurs de haine qui professent leur vision nostalgique, parfois raciste, de la société. La France ne ressemble pas à ce cliché d’une nation qui se résumerait à la violence, à la peur, et où le débat public devrait se limiter à l’immigration, à l’insécurité ou aux questions identitaires. […]
Le deuxième constat qui remonte de nos reportages, c’est que la société française a tenu alors qu’elle a traversé, comme le reste de la planète, une crise sanitaire, sociale, économique, complètement inédite avec l’épidémie de Covid-19. […]
Le troisième constat, c’est celui d’un découplage entre la nature actuelle des débats politiques et les attentes de la société. A n’écouter que ceux qui font du bruit, dans la rue, sur les réseaux sociaux, ou sur les plateaux télévisés, à juger l’état du pays à travers les seuls faits divers, l’on se trompe à coup sûr de diagnostic. Cela ne signifie pas que tout va bien, en particulier sur le front des inégalités, sociales et générationnelles, ni que les motifs d’inquiétude collective ne sont pas réels, en particulier dans les domaines climatique et environnemental. […]