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Étude : Les jeunes musulmans bruxellois se définissent d’abord par rapport à leur religion (76%), peu s’identifient comme occidentaux (21%) (MàJ : Extraits de l’étude sur l’appartenance, le voile et la pratique religieuse)

26/10/2021


27/10/2021 – Mise à jour

Extraits de l’enquête qualitative :

P. 38 :
Omar, Belgo-Marocain (16 ans) – « Je dis pas qu’on appartient pas à cette terre. On est né ici et on a grandi ici mais c’est pas notre terre natale, on vient pas d’ici (…) Pour moi les papiers ça veut rien dire. On peut retirer les papiers, mais les gènes dans le sang on les retire pas (…) On est Belges sur papier, c’est pas la même chose. Moi personnellement, je ne me considère pas comme Belge parce que les papiers belges sont venus depuis que mes grands-parents sont là. Tandis que mes origines sont là depuis des siècles. Être né en Belgique, j’ai pas choisi. Pareil pour les origines, mais ça je les ai dans le sang. Je peux renier que je suis Belge mais mon sang, j’ai beau le renier, il est encore là »

P. 59 :
« Le sentiment d’appartenance à la ville que ces jeunes nous ont exprimé se mesure aussi au fait que les jeunes perçoivent à Bruxelles, en tant que ville multiculturelle et diversifiée, une certaine tolérance à l’égard de ce qu’ils représentent. Tolérance qu’ils expliquent par un climat général leur semblant plus favorable, car moins discriminant que dans d’autres régions du pays. Ils expliquent notamment cette tolérance par le fait que de nombreuses personnes d’origine étrangère et musulmanes vivent à Bruxelles, ce qui contribue à leur visibilité et permet par ailleurs la mise en place d’une sorte d’habitude vis-à-vis de l’altérité développée par les « Belges de souche ». De plus, le fait d’évoluer dans une ville habitée par de nombreuses personnes qui comme eux, sont issus de l’immigration contribue également pour les jeunes, à développer un sentiment de familiarité et de bien-être. »

P. 64 :
« En général, il semble y avoir un lien fort avec le pays d’origine. Toutefois, ce chiffre est plus élevé chez les jeunes musulmans que chez les jeunes d’autres confessions ayant des racines étrangères. »

P. 70 :
« La religion est au centre des préoccupations de presque tous les jeunes musulmans. C’est ce qui ressort en premier lieu du questionnaire DEBEST. Nous avons ainsi mesuré l’importance de la religion dans leur vie. En réponse à la question “Quelle est l’importance de la religion ou de la philosophie de vie dans votre vie ?”, à peine 2% ont répondu qu’ils ne la considéraient pas comme importante (et 6% se situaient “entre les deux”). Il existe toutefois des différences dans la manière dont ils expérimentent, interprètent et vivent leur religion. De même, nous avons évalué dans quelle mesure les jeunes ont une attitude ouverte et flexible vis-à-vis des questions religieuses. Pour ce faire, les énoncés ont été présentés aux répondants qui s’étaient précédemment identifiés comme religieux. Les options de réponse allaient de “1” (totalement en désaccord) à “5” (totalement d’accord). »

Il est frappant de constater qu’une attitude réflexive ouverte à l’égard de l’islam présente une corrélation négative avec la rétention culturelle : plus l’adhésion aux coutumes et à la culture du pays d’origine (grand-parental) est forte, plus l’adhésion à une interprétation particulière de l’islam est rigide. Ces corrélations sont toutes – à l’exception de la perception de discrimination- faibles et non significatives chez les jeunes non-musulmans. Par ailleurs, les parents et les personnes ayant une influence culturelle significative sur les jeunes (dans un sens positif ou négatif), peuvent de ce fait jouer auprès d’eux, un rôle important dans leur apprentissage et leur pratique de la religion.

Cependant, une analyse de variance qui prend en compte la contribution des différentes variables pour expliquer les différences d’attitudes envers la religion (genre, langue de l’institution, filière d’enseignement, rétention culturelle, réactivité des parents, perception de discrimination), on constate que la perception de la discrimination n’est plus statistiquement significative. En d’autres termes, si nous prenons en compte d’éventuelles autres variables explicatives, l’effet de la discrimination disparaît. Par ailleurs, nous constatons une différence entre les jeunes des écoles néerlandophones et francophones (avec un degré plus élevé d’orientation vers la quête spirituelle chez les jeunes des écoles néerlandophones), mais aussi un impact du niveau d’éducation des parents. Plus le niveau d’éducation des parents est élevé, plus le degré d’orientation vers la quête spirituelle est faible.

P. 80 :
« Il ressort clairement de ce propos que les caricatures ont représenté une violence symbolique, une « blessure morale » pour reprendre le terme utilisé par Mahmood dont la dénonciation se situe dans une exigence de respectabilité qui – et il nous semble utile de le signaler – est appréhendée de manière réciproque. »

P. 81 : Sur le voile.
« Les avis sur le symbole de religiosité qu’incarnerait le voile sont par contre divergents. Pour certains, le voile représente un prescrit religieux incontournable et un marqueur d’appartenance important. Elles rejoignent en cela les enquêtées de la recherche de Jovelin qui soulignent les liens importants entre la croyance religieuse et l’apparence de la femme musulmane. »

P. 83 :
“Nous avons, en réalité, été marqués par la place prise par les discriminations entourant les femmes voilées dans le discours des filles mêmes non voilées mais aussi des garçons confirmant par-là la place qu’il occupe dans la construction de l’orthodoxie dominante. Cela nous semble relever d’une double dynamique. Premièrement, il s’agit d’un processus d’identification collective à ce qui est devenu l’archétype de l’atteinte aux droits fondamentaux des musulmans pour beaucoup d’entre eux dans plusieurs pays européens dont la Belgique comme nous l’avons déjà souligné précédemment dans le point 6 du présent rapport relatif à la question de la discrimination. Ce débat presque incessant sur la place de l’islam symbolisé par plus de trente ans de polémique sur le foulard allié aux chocs moraux provoqués par les attentats ainsi qu’à d’autres processus de délibération publique vécus comme ciblant particulièrement si pas uniquement les musulmans comme l’interdiction du voile intégral ou encore l’abattage rituel viennent mettre en résonance deux des sphères de la reconnaissance évoquée par Honneth, à savoir celle de l’estime sociale et celle de l’égalité juridique. Deuxièmement, on ne peut nier l’intérêt de certains garçons dans le maintien des frontières ethniques et religieuses des rapports de genre. Processus qui passe notamment par le contrôle des identités musulmanes et par celui de l’expression du corps des femmes et ce, dans le contexte de la « crise de la masculinité » comme cela a pu apparaître lors de certains échanges même si c’était très minoritaire : Amin : « Le voile est une façon de savoir si les filles sont musulmanes. Car la prière on ne la voit pas, le voile si. »”

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