16/11/2021
Par le biais d’une lettre ouverte, 73 professeurs et employés de l’Université d’Ottawa interpellent le recteur Jacques Frémont de prendre des mesures afin de protéger la liberté universitaire.
Les signataires demandent aussi au recteur de présenter ses excuses à la professeure Verushka Lieutenant-Duval*. Pour l’un des signataires, le professeur de biologie François Chapleau, cela serait une première étape vers la réconciliation entre l’administration et le personnel.
*La question a surgi depuis que Verushka Lieutenant-Duval a été suspendue par l’administration, suite à une plainte d’une étudiante, pour avoir utilisé le terme en entier dans un cours. La professeure faisait mention de la façon dont la communauté noire afro-américaine s’était réappropriée le terme n***e pour dresser un parallèle avec l’utilisation par la communauté gaie du mot « queer », à l’origine une insulte.
Les excuses de la professeure avaient été jugées insuffisantes, les étudiants dénonçant l’utilisation d’un mot « raciste » par une professeure blanche.
En réaction à la suspension de Mme Verushka Lieutenant-Duval, plus d’une trentaine de professeurs de l’établissement postsecondaire ont cosigné une lettre, vendredi, défendant Mme Lieutenant-Duval et l’importance de conserver leur liberté académique pour traiter de sujets complexes et parfois difficiles.
Ce serait un bon geste pour rétablir la confiance avec les professeurs, car en ce moment ils se censurent, parce qu’ils ont peur puisqu’ils n’ont pas l’appui de leur institution. Alors, les cours sont modifiés, car on veut éviter les controverses.
Le recteur peut dire tout ce qu’il veut sur la liberté académique et la liberté d’expression. S’il n’offre pas des excuses à Verushka, les professeurs ne vont pas le croire.
François Chapleau, professeur à l’Université d’Ottawa
La semaine dernière, un rapport faisant état de sept recommandations a été rendu public à la suite de la controverse entourant l’utilisation du mot en N en classe. Le recteur disait vouloir mettre en action les recommandations du rapport après en avoir discuté au Sénat de l’Université d’Ottawa.
Depuis le début de la controverse du mot en n, bon nombre de professeurs de l’Université d’Ottawa ont dénoncé avec véhémence la façon dont l’administration a géré le dossier. François Chapleau est l’un d’eux, et il en a long à dire sur le recteur Jacques Frémont.
Ce qui nous a choqués aussi, c’est le fait qu’il se soit caché derrière le concept du grief pour évacuer toute question sur Verushka, mais il a été établi dans le rapport qu’elle a utilisé ce mot dans un cadre pédagogique et acceptable.
Selon le vice-président de la mobilisation des membres à l’Association des professeurs à temps partiel de l’Université d’Ottawa, Luc Angers, la situation “n’empêche pas que les bons gestes peuvent suivre, indépendamment du grief. Ce serait même un geste exemplaire“.
Le professeur titulaire au département de communications de l’Université d’Ottawa, Marc-François Bernier, abonde dans le même sens : “Unilatéralement, le grief existe, car il y a un refus de s’excuser et de réparer le tort. Ça semble encore une fuite en avant. Quand venait le temps de sanctionner Mme Lieutenant-Duval, personne n’a attendu le Sénat. Cela a été fait de façon arbitraire, précipitée, irréfléchie, un peu dans la panique et dans la mauvaise gestion“
01/02/2021
Lettre de François Chapleau d’un professeur de biologie de l’université d’Ottawa à ses élèves, après avoir été accusé de racisme sur les réseaux sociaux et dans ses cours :
Chers étudiantes et étudiants de BIO1530,
En octobre 2020, j’ai été accusé de racisme sur les médias sociaux. Certains ont réclamé ma rééducation, d’autres mon renvoi. Profondément blessé, je suis resté silencieux pour ne pas devenir une distraction alors que vous naviguiez dans la réalité complexe des cours en ligne. Maintenant que les notes finales sont soumises, permettez-moi de répondre à ces accusations.
J’ai été jugé raciste parce que j’ai approuvé une lettre signée par 34 collègues (Journal de Montréal, 16 octobre 2020) demandant à notre administration universitaire de protéger le principe de liberté académique à la lumière de la suspension d’une professeure. Celle-ci avait mentionné un mot jugé désobligeant (le mot anglais commençant par un N) dans un contexte pédagogique approprié. La lettre condamnait aussi le racisme et la discrimination et ne contenait aucune approbation sur l’utilisation de termes péjoratifs en tant qu’insultes sur le campus.
Suite…