Après des années d’une prudence due aux traumas de la crise de 2015-2016 et à la montée de l’extrême droite, la nouvelle majorité en Allemagne (Verts-SPD-Libéraux) vient de prôner cette semaine, comme l’indique la page 137 du contrat de coalition, un “changement de paradigme“, “à la hauteur d’un pays d’immigration moderne” avec une approche “active et structurante, prévoyante et réaliste“. À l’opposé du débat français, cette nouvelle politique est totalement découplée des dossiers sécuritaire et identitaire – au profit d’une réflexion à long terme sur les besoins en main-d’œuvre de l’Allemagne.
“Le texte de coalition est encore assez vague. Mais c’est un discours positif qui prend le dessus. Car nous ne pouvons pas nous permettre le contraire“, salue Sarah Pierenkemper, économiste à l’Institut économique de Cologne, rédactrice d’une note publiée il y a quelques jours sur l’urgence migratoire pour le marché du travail allemand. […]
Joachim Stamp, ministre FDP de l’Intégration de la Rhénanie du Nord-Westphalie, a fait partie du groupe de travail sur l’immigration : “Nous allons rationaliser le système complexe des reconduites à la frontière et ouvrir de nouvelles opportunités pour les personnes déjà pleinement insérées dans la société.” L’accord prévoit de suspendre indéfiniment la procédure d’expulsion des candidats déboutés du droit d’asile s’ils font preuve d’une bonne intégration. “Le message, c’est que l’intégration vaut la peine! décrypte Sarah Pierenkemper. Elle est valorisée, et ça donnera un cadre rassurant et motivant aux salariés comme aux employeurs.” […]
Le sociologue et expert des migrations Gerald Knaus reste prudent : “Le texte est courageux, mais nous verrons dans deux ans s’il a changé la donne.” L’un des indicateurs sera humain : “Y aura-t‑il moins de gens qui mourront sur la route de l’Europe ?“, pointe-t‑il. L’accord de coalition assume “la responsabilité humanitaire particulière” de l’Allemagne. Noir sur blanc, le futur gouvernement demande que Frontex participe au sauvetage en mer des migrants, en rappelant qu’il s’agit là d’une “obligation civilisationnelle autant que juridique“.
Pour les jeunes de moins de 27 ans, l’idée est d’aller plus loin encore : au bout de trois ans sur le sol allemand, sous condition de bonne conduite, un titre de séjour permanent pourra leur être attribué. Une manière de retenir les cerveaux des étudiants formés dans les universités du pays, voire d’attirer des talents. Enfin, dès le 1er janvier, les personnes présentes depuis au moins cinq ans sur le sol allemand sans jamais y avoir commis de délit recevront un permis de séjour d’un an en vue d’une régularisation ou d’une naturalisation.
Devenir allemand sera d’ailleurs possible au bout de cinq ans, et même trois pour les plus jeunes, une révolution au pays du droit du sang ! Des cours d’intégration et de langue seront proposés aux nouveaux arrivants dès le premier jour de leur séjour en Allemagne. […]